On dit souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et jamais l’adage n’aura été aussi vrai que dans Hella & les Hellboyz, une bande dessinée de Kid Toussaint et Luisa Russo dans laquelle une adolescente s’aventure dans le monde des limbes pour y sauver son amoureux.
Depuis sa construction à la fin du 19e siècle, les suicides, assassinats, disparitions et incendies suspects se sont multipliés dans la maison du 21 rue Duroc, si bien que la résidence, abandonnée depuis plusieurs années, est maintenant considérée hantée. Un soir, après avoir vandalisé la voiture de son professeur de maths, Keiran, un adolescent rebelle, se réfugie dans la sinistre bâtisse afin d’échapper aux policiers. Inquiète de ne plus avoir de nouvelles de son copain, la jeune Hella décide alors de s’y aventurer, malgré toutes les légendes urbaines voulant que ceux qui pénètrent à l’intérieur n’en ressortent jamais. À sa grande surprise, elle découvre que l’endroit semble agir comme un portal, menant directement au cœur des limbes. N’écoutant que son courage, elle s’engage alors en ce lieu de perdition dans l’espoir de retrouver son petit ami, mais sera-t-elle condamnée, comme tous les autres avant elle, à devenir éternellement prisonnière de ce manoir maudit?
Même s’il explore des thèmes relevant traditionnellement de l’horreur, le scénariste Kid Toussaint parvient tout de même à signer un récit grand public avec Hella & les Hellboyz, en se concentrant davantage sur l’aspect psychologique que le gore. La plupart des scènes violentes ou sanglantes de l’album sont d’ailleurs suggérées plutôt que montrées explicitement. Avec son héroïne voyageant à travers les limbes pour rescaper son amoureux, l’intrigue modernise la vision présentée par Dante Alighieri dans la Divine Comédie, et Hella devra éliminer le gardien de chacun des cercles de l’enfer avant de passer au suivant, une forme de progression rappelant beaucoup celle des jeux vidéo. Puisqu’elle est la toute première humaine capable d’entrer et de sortir de la lugubre maison en plus d’un siècle, on se doute bien que la jeune femme cache un secret la rendant spéciale, mais il faudra attendre le prochain tome du dyptique avant que celui-ci ne soit dévoilé.
L’artiste italienne Luisa Russo croque des scènes de banlieue ou de lycée assez soignées au début de Hella & les Hellboyz, mais c’est surtout dans sa façon surréaliste d’illustrer la dimension infernale qu’elle brille. Ses limbes comprennent par exemple une série de maisons de différentes époques posées sur des îles flottantes, suspendues dans un ciel cramoisi. Le premier cercle qu’Hella visite prend les allures d’une fête foraine démoniaque, remplie de stands étranges, de lapins maléfiques aux yeux incandescents, et d’un carrousel doté de squelettes de chevaux en guise de montures. Ses démons ont des airs grandiloquents de vedettes de glam rock des années 1970, et les visages de ses damnés sont entièrement dépourvus de traits. Pour bien marquer la différence entre les deux dimensions, le monde réel utilise une coloration dominée par le vert et le bleu, tandis que l’enfer se pare d’orange et de rouge.
Sans être le plus horrifique des voyages en enfer, Hella & les Hellboyz propose tout de même une vision bien personnelle des limbes, et ce récit, empruntant autant à Alice aux pays des merveilles qu’à la Divine Comédie, a tout pour plaire aux amateurs de littérature fantastique et d’épouvante.
Hella & les Hellboyz, tome 1 : Tout droit en enfer, de Kid Toussaint et Luisa Russo. Publié aux éditions Drakoo, 48 pages.