Bien des espèces en voie d’extinction n’auront pas le temps nécessaire pour s’adapter à un monde changeant avant de disparaître. Pourraient-elles bénéficier d’une aide « dirigée » des humains — un coup de pouce en quelque sorte, pour les amener à changer plus vite leurs habitudes?
L’idée proposée est de « manipuler » leurs comportements — pour se nourrir ou se déplacer, par exemple —, mais sans une obligation ou une pression à la clef, qui deviendrait une source de stress. Les biologistes qui proposent cette approche la comparent à une théorie utilisée en psychologie, celle du « coup de pouce », traduction approximative de la « nudge theory ». En gros, c’est la théorie selon laquelle les humains seraient davantage incités à changer leurs comportements lorsqu’on utilise des incitatifs subtils plutôt que des contraintes. Sont souvent donnés en exemples les menus de cafétérias qui ont mis les plats « végés » plus en avant, sans pour autant en faire la seule option. Ou des villes qui réduisent les espaces de stationnement, pour encourager le vélo ou les transports en commun.
Comment cela peut-il se transposer aux animaux? « Toutes les créatures apprennent de la même façon », explique dans le New Scientist Ken Ramirez, dont le premier métier était entraîneur d’animaux. « Rendons plus difficile ce que nous ne voulons pas que les animaux fassent, et rendons plus facile ce que nous voulons. »
Les corridors créés pour faciliter aux animaux la traverse de routes en sont un exemple: comment les inciter à passer par là sans les contraindre? Le truc: placer de l’urine ou des crottes qui leur feront croire que certains de leurs congénères sont déjà passés par là. À l’inverse, Ramirez décrit une stratégie qui a été utilisée en Zambie pour, cette fois, détourner des éléphants, lors de leurs migrations annuelles: les empêcher de traverser la frontière du Congo, où ils sont moins protégés des braconniers. Le truc a consisté à planter des arbres et créer des trous d’eau, obligeant ces animaux à faire un détour, sans qu’ils n’aient jamais eu à rencontrer des humains.
Autre exemple de stratégie, celle-ci pour prévenir des animaux d’un danger, décrite dans une étude parue en octobre 2020: des alertes sonores et lumineuses émises par des trains pour inciter des animaux à s’éloigner des rails lorsqu’un train approche.
Les critiques rétorquent qu’il s’agit malgré tout d’ingérences dans la nature. Les défenseurs y voient une façon d’intervenir en douceur, là où l’espèce est déjà en danger. Entre les deux, des chercheurs tentent d’évaluer l’impact de ces efforts qui entremêlent deux disciplines, la conservation de la nature et la biologie du comportement: le fait est que, reconnaissaient en novembre trois experts dans une revue de la littérature scientifique sur les efforts entrepris, pour l’instant, ce qu’on sait sur la façon dont les animaux apprennent est encore trop partiel pour qu’on puisse garantir un succès à l’une ou l’autre des stratégies. Mais pour plusieurs espèces, le temps presse.