Les films pop bonbons ont la cote puisque comme les sucreries, ils se savourent assez aisément. Le hic, c’est que Promising Young Woman tombe dans le piège de la nécessité en misant énormément sur l’importance de ses thématiques. Malheureusement pour lui, malgré la férocité de son regard, le long-métrage perd en nuance et dérange pour pratiquement toutes les mauvaises raisons et ce, encore plus à force d’y repenser. Pour ceux qui auraient manqué cette curiosité qui a certainement fait beaucoup jaser, le film est disponible en DVD depuis un bon moment déjà.
Jouer sur les apparences n’est pas nouveau, surtout au cinéma, cet art qui, probablement mieux que n’importe quel autre, peut se permettre d’explorer en pleine liberté tout en s’amusant avec lui-même tout comme avec son auditoire. Le premier long-métrage de Emerald Fennell, connue d’abord comme actrice, puis comme scénariste à la télévision (la télésérie Killing Eve), s’approprie donc les conventions typiquement féminines pour s’amuser continuellement à les déjouer.
Les couleurs, les chansons pop, les saveurs, les rêves et les espoirs, tout comme les aspirations d’un conte de fées y sont tous, mais ceux qui s’attendent à une petite romance pour faire rêver devront se rabattre sur une autre œuvre puisque Promising Young Woman a plutôt envie d’ouvrir les yeux à plusieurs et de rendre compte de la toxicité masculine et de sa domination sur la manière dont le monde, tristement, fonctionne.
Ces ambitions sont certainement honorables et plusieurs répliques tout comme une grande majorité de situations visent décidément juste, surtout que le film n’essaie jamais de se décrire comme étant subtil (de toute façon certains passeront probablement quand même à côté des messages principaux et retourneront dans leurs visions troubles et problématiques du monde), sauf que le film atteint rapidement son fond une fois la surprise et l’emballage a priori agréable développés.
À l’instar du récent Cruella et ses élans féministes rapidement étouffés, un des exemples les plus probants de l’art de tout miser sur l’enrobage pour leurrer le spectateur à tomber sous le charme de l’œuvre plutôt que son contenu, la proposition de Ferrell ne parvient pas à atteindre le désir de ses aspirations. Pire, il prétend constamment être plus intelligent qu’il ne l’est au point d’en devenir pratiquement condescendant envers ses spectateurs, agissant de la même manière que ce qu’il semble reprocher à presque tous ses personnages qu’il caractérise comme problématiques.
En fait, le film titille beaucoup de choses sans toujours les développer avec doigté, trop préoccupé par son message principal coulé dans un béton impossible à déprendre, soit, que tous les hommes sont méchants et que même les femmes ont appris à les vénérer comme tel. Un message nécessaire plus que jamais devant une société qui a depuis longtemps atteint son quota de fautes impardonnables et de point de non-retour, mais qui aurait bénéficié d’une prise de position un peu plus impartiale et certainement moins biaisée.
C’est qu’à l’instar du très oubliable La chasse au collet, le film tombe rapidement dans le piège de la justification et en voulant un peu trop expliquer les motivations et les gestes de sa protagoniste, il en vient à annuler de beaucoup le travail fait pour assurer le féminisme probant de sa thèse de départ. Pourquoi tomber dans les couloirs de la folie et de l’instabilité? Même si celle-ci provient d’une aliénation suite à un ou plusieurs traumatismes, cela demeure un raccourci qui invalide un peu trop le désir de reprise de contrôle et de rapport de puissance, malheureusement. Même chose du côté des coupables, qu’on résume un peu trop facilement comme étant la faute de la société, tout simplement.
Bien sûr, on ne voudra pas trop en révéler sur le film qui joue quand même la part belle dans les zones grises pour multiplier les genres et les tons, auréolé d’une élégante trame sonore du nouveau venu Anthony Willis, mais on peut néanmoins compter sur une performance particulièrement dévouée de Carey Mulligan, qui continue décidément de faire beaucoup de chemin devant une carrière qui permet continuellement de la mettre en valeur sur de très nombreux jours.
Ici en ange qu’on sous-entend vengeresse quoiqu’au passé trouble, elle domine une distribution qui ne manque pas de noms impressionnants à énumérer et s’amusant volontairement à déconstruire également les emplois habituels de ses comédiens, surtout masculins, habituellement relégués à des comédies beaucoup plus innocentes parmi lesquels ont compte notamment Sam Richardson, Bo Burnham, Max Greenfield, Christopher Mintz-Plasse et la toujours impériale Alison Brie.
D’autres noms honorables, de Molly Shannon à Laverne Cox, en passant par Jennifer Coolidge, Adam Brody et Connie Britton, aident certainement à mettre du relief à ce film qui est certainement tombé dans beaucoup de radar.
On regrette alors que ce soit ce film, qui en plus d’être nommé comme meilleur scénario original, est également reparti avec l’Oscar le récompensant. Le film manque de consistance entre ses scènes et démontre beaucoup trop de failles et d’incohérences; on comprend certainement mieux ce que la cinéaste veut dire, quand elle affirme qu’elle a surtout pensé son film comme des scènes qui lui sont venues en tête.
Il demeure donc pratiquement amusant de l’entendre parler avec un snobisme certain sur la justesse de son œuvre, mais aussi de tous ceux qui y ont travaillés dans une piste de commentaires audio certainement pompeuse, à laquelle on aurait certainement préféré un dialogue avec Mulligan. Les rares segments promotionnels dans les suppléments d’à peine trois ou quatre minutes sont également surtout là pour vanter le film ou ses artisans plutôt que de nous en apprendre sur ses secrets de production.
Promising Young Woman, comme son titre, était effectivement plein de promesses, mais si l’écoute n’en est pas nécessairement désagréable, merci aux images colorées de Benjamin Kracun (à qui l’on doit notamment le trop peu vu Beats) et le montage vif de Frédéric Thoraval généralement habituellement aux films d’action difficilement écoutable puisqu’insipides (Peppermint et le premier Taken pour ne nommer que ceux-là), tombe un peu à court quant à la justification de sa pertinence ce qui est dommage compte tenu le grand nombre de points importants qu’il ramène de l’avant. On regrette seulement que le débat finit vite par tomber dans la simplicité et qu’on a finalement l’impression que de dire non à ce film aux élans féministes peut passer pour de la misogynie plutôt que de vouloir vraiment s’intéresser aux vrais problèmes qui s’y relient et qu’il perpétue, cynisme omniprésent oblige, probablement bien malgré lui.
5/10
Promising Young Woman est disponible en DVD et en Blu-Ray via Universal Pictures depuis le 16 mars dernier.