L’autorisation le 7 juin aux États-Unis d’un nouveau médicament contre l’Alzheimer provoque des remous. Au cours de la semaine, trois experts de l’agence américaine chargée d’autoriser les médicaments ont démissionné, invoquant une décision prématurée, compte tenu de la maigreur des données.
Présenté par l’agence fédérale des aliments et drogues (FDA) comme le « premier traitement approuvé contre la maladie d’Alzheimer depuis 2003 », le médicament Aduhelm, de la compagnie Biogen, avait pourtant fait l’objet d’un vote négatif (à 10 voix contre 1) d’un comité d’experts en novembre dernier, jugeant que le produit n’avait pas fait la preuve de son efficacité.
Bien que l’avis d’un comité d’experts ne soit pas contraignant, il semble qu’il soit rare que la FDA passe outre à un avis presque unanime, et c’est ce qui a provoqué la colère du premier démissionnaire, le neurologue Joel Perlmutter, selon sa réponse au magazine médical STAT. Ce magazine note également que la FDA a accordé au médicament une « procédure accélérée », non pas en raison de preuves claires comme quoi il réduirait les pertes cognitives associées à l’Alzheimer, mais en raison de preuves « raisonnables » comme quoi il réduirait les plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau. Or, c’est là un critère qu’avait spécifiquement rejeté le comité d’experts: bien qu’il ait souvent été évoqué que la réduction de ces plaques soit liée à une amélioration de l’état du patient, l’association demeure contestée depuis trois décennies.
Dans sa lettre envoyée jeudi, le troisième démissionnaire, Aaron Kesselheim, qui siège sur des comités aviseurs de la FDA sur le système nerveux depuis 2015, qualifie l’approbation de l’Aduhelm (anciennement Aducanumab) comme la « pire approbation de médicament » de l’histoire récente aux États-Unis.
En plus du critère contesté des plaques amyloïdes, les bénéfices mesurés dans les études sont eux-mêmes contestables: on parle d’un ralentissement du déclin cognitif (et non d’une amélioration) pendant environ 4 mois, sur une période de 18 mois —ce qui reste difficile à mesurer et pourrait même ne pas être suffisant pour être perceptible par les patients. Au point d’obliger le patient à passer régulièrement des tests d’imagerie par résonance magnétique, afin de suivre l’évolution de son cerveau. Le tout, pour un traitement qui coûterait 56 000$ US par année.
Les associations de patients font pression depuis longtemps pour obtenir de nouveaux médicaments. Les rares traitements sur le marché ont échoué à démontrer un impact positif à long terme sur les fonctions cognitives, et les essais cliniques ont été incapables, depuis les années 1990, de prouver cette association entre une réduction des plaques bêta-amyloïdes et une amélioration des fonctions cognitives.