Si la reprise des actes de violences israéliens dans les Territoires palestiniens occupent maintenant la Une des journaux, la situation sanitaire en Inde est toujours aussi précaire, avec quelque 267 000 nouveaux cas de COVID-19 par jour, un nombre qui est fort probablement sous-estimé. Selon Céline Füri, coordonnatrice humanitaire chez Oxfam-Québec, la crise indienne est d’ailleurs aussi économique et alimentaire. Entretien.
« Je ne suis pas sur place, mais selon ce que disent nos collègues dans le pays, la situation de la deuxième vague de COVID-19 ne s’améliore pas du tout », indique-t-elle au bout du fil.
« Oui, l’aide internationale s’est mobilisée, notamment pour fournir les équipements médicaux dont le système indien de la Santé manquait, mais c’est un pays tellement énorme, avec une population tellement importante, que le problème ne va pas se résorber rapidement. »
La situation est d’ailleurs toujours particulièrement inquiétante sur le sous-continent: si le nombre d’infections quotidiennes a diminué de près de 50% par rapport au pic d’environ 400 000 cas au début du mois de mai, le nombre de décès, lui, dépasse largement les 4000 par jours. En tout, quelque 25,5 millions d’Indiens ont contracté la COVID-19, et 22 millions sont considérés comme étant guéris.
« Il continue d’y avoir de forts besoins à différents niveaux. Évidemment, en ce qui concerne le système de santé, mais aussi pour la simple survie et la sécurité alimentaire de base des populations affectées par les mesures de confinement », poursuit Mme Füri.
Car à la différence des pays du Nord, où des filets sociaux relativement solides sont généralement en place (ou ont été mis en place dans l’urgence) pour permettre aux citoyens d’atténuer les impacts de la crise, par exemple avec des transferts d’argent et d’autres programmes économiques, les habitants des pays du Sud, eux, se sont souvent retrouvés sans aucune mesure d’aide.
Dans le Sud, ce n’est pas tellement le virus qui est le plus grand problème… Les gens craignent bien plus de mourir de faim que de mourir de la COVID-19.
-Céline Füri
« En Inde, le filet social et la qualité des services publics sont un énorme problème, sans parler de l’économie qui est structurée bien différemment que celle d’ici – le secteur informel est bien plus grand, il y a tout un pan de la population qui dépend d’un gagne-pain quotidien souvent trouvé dans la rue avec des commerces informels, qui souvent ne sont pas inscrits à des plans de sécurité sociale, d’aide économique de l’État », mentionne encore Mme Füri.
« À la première mesure, au premier geste de confinement, hop!, ces gens perdent leur emploi. »
Sans revenus, les populations les plus pauvres vont souffrir de la faim, et seront parfois obligées de retourner dans leur village, loin des grandes villes, sans garantie d’y parvenir, d’abord, mais ensuite sans espoir concret de trouver du travail ou de quoi se nourrir une fois sur place.
« Plus de la moitié » de ces migrants forcés « n’ont pas trouvé de travail, et en plus, cela propage le coronavirus », précise Mme Füri.
Lors de la première vague de COVID-19 dans le pays, ce sont ainsi des millions de personnes qui ont dû parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres, parfois à pied – les compagnies d’autobus et de trains étant débordées, ou ayant réduit leur service en raison de la pandémie –, dans le cadre d’un véritable exil.
Une crise politique?
Dans un pays où la mainmise du premier ministre Narendra Modi, à l’idéologie de plus en plus nationaliste, est particulièrement importante dans bien des sphères de la société, plusieurs figures de l’opposition ont accusé le gouvernement d’avoir fait fi des risques de la COVID-19 pour plutôt vanter les qualités de M. Modi, en plus de tenir d’importants rassemblements électoraux, réunissant souvent des dizaines de milliers de personnes, en vue des prochaines élections.
Selon Al-Jazira, qui rapporte des résultats de sondage publiés par l’entreprise Morning Consult, la cote de popularité du premier ministre s’établit maintenant à 63%. Un taux plus que confortable, certes, mais aussi le plus bas depuis le début du suivi effectué par cette firme américaine, en août 2019.
Néanmoins, Mme Füri précise que sur le terrain, le gouvernement Modi a tout à fait bien accueilli les organisations humanitaires. « Ce que je sais, c’est qu’Oxfam-Inde, à la différence d’autres pays où Oxfam a des opérations, Oxfam-Inde est une organisation à part entière qui existe depuis 1951. C’est une organisation nationale qui est ancrée dans le paysage, y compris pour les autorités gouvernementales. L’acceptation d’Oxfam par les autorités locales est totale. »
Mieux encore, « les relations entre Oxfam et les autorités de six États particulièrement touchés ont permis de mettre en oeuvre très rapidement la réponse humanitaire », précise la coordonnatrice humanitaire chez Oxfam-Québec.
« Les autorités sont venues nous voir pour demander de l’aide pour les hôpitaux et les centres d’isolement en particulier. »
Comment subvenir aux besoins humanitaires en Inde? Selon Mme Füri, pour répondre à la situation d’urgence prévalant dans cinq États indiens particulièrement touchés par la 2e vague, que ce soit en fournissant de l’équipement de protection pour le personnel médical, en faisant la promotion des bonnes pratiques contre la maladie, ou en offrant une sécurité alimentaire aux travailleurs migrants sous forme d’aide monétaire et d’aliments, Oxfam-Inde vise à obtenir des dons de l’ordre de 7 millions de dollars.
La Coalition humanitaire canadienne, dont fait partie Oxfam-Québec, vise quant à elle à recueillir 3 millions.
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