Les espèces des climats chauds sont engagées dans une course contre la montre: entre l’adaptation et la mort face aux changements climatiques, il suffit parfois de quelques fractions de degré Celsius. Dans les forêts tropicales, par exemple, la course vers les hauteurs des montagnes, et donc des températures plus basses, est 10 fois plus rapide que pour des espèces en climat tempéré, révèle une nouvelle étude réalisée par des chercheurs des Universités de la Colombie-Britannique, de la Californie à Santa Cruz et de Miami, qui est publiée dans Ecology Letters.
Au dire des scientifiques, les récents travaux jettent un nouvel éclairage sur les possibilités de survie des différentes espèces, et les possibles stratégies de conservation qui en découlent. Tout cela pourrait varier en fonction de la géographie du territoire.
Les membres de l’équipe se sont partagé la tâche: l’un a examiné les oiseaux et d’autres animaux vivants dans des régions montagneuses des tropiques, tandis qu’un autre s’intéressait aux forêts de l’Amérique du Nord. Un troisième coauteur, lui, s’est penché sur les forêts tropicales.
Les chercheurs ont tenté de transformer leurs informations en une nouvelle perspective mondiale. Pour y parvenir, ils ont analysé des données provenant d’examens de forêts dans des régions montagneuses de l’Amérique du Nord, Centrale et du Sud, ainsi que les conclusions mondiales provenant de 93 précédentes études portant sur des milliers d’espèces animales et végétales vivant dans des environnements montagneux. L’objectif consistait à obtenir une vision de la façon dont les espèces réagissent à la hausse des températures.
Les changements climatiques menacent la biodiversité à travers la planète, notamment parce que la température est l’une des conditions environnementales qui définit les zones géographiques qui sont appropriées pour les habitats des diverses espèces. Et le rythme du réchauffement résultant des changements climatiques provoqués par l’homme est plus important que la vitesse à laquelle peuvent s’adapter plusieurs plantes et animaux. Et donc, pour certaines espèces, le fait de migrer vers des régions plus froides pourrait représenter la meilleure chance de survie.
« En gros, les espèces peuvent tolérer ces changements via l’adaptation ou l’acclimatation, ou, d’un autre côté, elles peuvent modifier leur distribution géographique pour minimiser les changements climatiques qu’ils subissent », affirme Kenneth Feeley, professeur associé de biologie à l’Université de Miami.
« Si elles sont incapables d’atteindre l’un de ces objectifs, elles finiront par souffrir et seront à risque de disparaître. »
Le salut par le froid
Pour les espèces recherchant des températures plus froides sur la terre ferme, il existe deux options principales. Les plantes et les animaux peuvent se déplacer sur de grandes distances, loin de l’équateur et plus près des pôles, où l’énergie du soleil est moins intense, ou, dans les régions montagneuses, en gagnant un peu d’altitude, où l’atmosphère plus mince les aidera à garder la tête froide.
Ce ne sont pas toutes les espèces qui réussissent ces migrations. En fait, de précédents travaux ont démontré que des forêts d’Amérique du Nord n’avaient pas réussi à migrer, les jeunes arbres ne parvenant pas à s’installer plus au nord. Selon la plus récente étude, dans les régions montagneuses, les forêts tempérées s’en sortent un peu mieux pour gagner en altitude. Mais ces transformations sont malgré tout plus lentes que le rythme du réchauffement.
« Nous savons, en nous basant sur des observations, qu’il y a déjà eu du réchauffement substantiel, mais ce que nous ne voyons pas, c’est une réponse des écosystèmes des forêts tempérées », affirme Kai Zhu, de l’Université de Californie à Santa Cruz. « C’est inquiétant. »
Les travaux avancent qu’il est possible que les espèces vivant dans des zones tempérées puissent avoir une meilleure capacité à répondre aux changements climatiques en transformant le calendrier des processus de la vie saisonnière, comme le fait de fleurir, de perdre ses feuilles, ou, pour les animaux, hiberner ou entamer une migration saisonnière, plutôt que de se déplacer. Mais impossible de savoir si cette stratégie permettra de conserver une avance sur les changements environnementaux à mesure que la Terre se réchauffera.
D’un autre côté, un taux migratoire plus important dans les tropiques pourrait ne pas être avantageux, non plus. Selon d’autres études, les oiseaux tropicaux ont tout misé sur la stratégie consistant à gagner en hauteur, mais cette technique a ses limites.
« Le fait est que les montagnes ne sont pas infinies. Les espèces ne peuvent pas éternellement gagner en altitude, parce qu’elles parviendront au sommet. C’est un peu comme si elles étaient à bord d’un ascenseur vers l’extinction », affirme le principal auteur de l’étude, Benjamin Freeman, de l’Université de Colombie-Britannique.
Et comme M. Freeman et ses coauteurs l’écrivent dans leur rapport, ce processus semble se dérouler beaucoup plus rapidement sous les tropiques, malgré le fait que l’ampleur du récent réchauffement soit en fait plus importante dans les régions tempérées. Une théorie pour expliquer cette situation serait que les espèces tropicales sont plus sensibles aux changements de température que celles se trouvant dans les régions tempérées.