Quelque 25 millions de dollars américains de ventes en cinq ans: c’est ce qu’un duo d’entrepreneurs du mouvement antivaccins a reconnu avoir décroché aux États-Unis entre 2014 et 2019. Et on peut parler d’une « industrie », puisque ces deux joueurs ne sont qu’une partie d’un plus vaste écosystème pour qui capitalisme rime avec désinformation.
Un reportage de l’Associated Press levait la semaine dernière une partie du voile sur cette industrie qui jouissait déjà, avant la pandémie, d’un bon succès. Ce qui a donné à Charlene Bollinger et à son époux, Ty Bollinger, une longueur d’avance pour profiter de l’opportunité en or qui leur est tombée du ciel grâce au coronavirus.
Par exemple, pour la modique somme de 499$, vous pouvez obtenir leur série de vidéos Toute la vérité sur les vaccins 2020. Qui est, comme le titre l’indique, une mise à jour des éditions précédentes. Du propre aveu des Bollinger, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà payé pour les éditions précédentes.
Avant « la vérité sur les vaccins », il y avait en fait eu « la vérité sur le cancer »: c’est en 2017 que leur modèle d’affaires les a menés vers les vaccins, pour en rejeter l’utilité tout en minimisant les risques des maladies infectieuses telles que la rougeole. Lorsqu’est arrivée la pandémie, ils ont donc tout naturellement travaillé à marteler qu’ils ne faisaient pas confiance aux vaccins, au point d’écrire que « le vaccin est plus dangereux que le virus ».
Il est difficile de savoir combien tous ces discours leur rapportent, parce que le couple est derrière un petit réseau d’entreprises. Mais la compagnie qu’ils définissent comme un « chef de file dans le marketing de l’information sur la santé », TTAC Publishing LLC, a déclaré l’an dernier des ventes de 25 millions$ depuis 2014. Il n’est pas dit quelle partie de cette somme représentait des profits. Sur une demande pour obtenir un prêt du gouvernement, TTAC déclarait employer 16 personnes en mai 2020, et 27 en février 2021.
En bons entrepreneurs, ils ont donc su saisir « l’opportunité », comme l’écrivent les journalistes de l’Associated Press (AP), mais ce qu’ils ont saisi va au-delà des seules inquiétudes à propos du virus ou des vaccins. À l’instar d’autres groupes antivaccins ou pro-santé naturelle, « les Bollinger se sont alignés avec des partisans de droite de l’ancien président Donald Trump ». Ils ont défendu la fausse nouvelle voulant que l’élection de novembre dernier ait été volée. Et ils ont participé à l’insurrection du 6 janvier à Washington: ils y tenaient un rassemblement, dont Charlene Bollinger était une des animatrices, tandis que son mari se rendait aux portes du Capitole.
Le couple a été identifié parmi les principaux « super-propagateurs » de désinformation à propos des vaccins, par des groupes tels que NewsGuard, qui évalue la crédibilité de milliers de sites web, ou le Center for Countering Digital Hate. C’est à ce dernier qu’on doit, en mars dernier, une liste de 12 personnes ou groupes responsables de la majorité des contenus de désinformation sur les vaccins en langue anglaise.
Les Bollinger ont refusé les demandes d’entrevue de l’AP pour son article, mais Ty Bollinger s’est ensuite empressé d’annoncer dans une webdiffusion que des « journo-terroristes » étaient sur le point de publier un reportage critique à son sujet.
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