La partie est loin d’être gagnée pour l’administration Biden au Moyen-Orient, même si le nouveau président n’a pas perdu de temps pour clamer que « l’Amérique est de retour! ». Selon un récent rapport du Wilson Center, la Russie s’est solidement implantée dans cette région plus que volatile, et il faudra donc que Washington apprenne à contrer Moscou, tout en tenant compte des agissements d’Israël et de l’Iran.
« Les États-Unis n’ont plus l’hégémonie au Moyen-Orient »: la déclaration peut choquer, mais les auteurs du rapport sont formels. Selon eux, le pouvoir politique et militaire de Washington n’est certainement plus le seul joueur d’importance dans la région. Non seulement faut-il tenir compte de la Russie, qui avait déjà des bases en Syrie, notamment, mais qui y est bien plus présente depuis quelques années, y compris depuis le désengagement sous Donald Trump, mais la Chine s’est aussi invitée dans le décor.
« Les trois pays sont présents avec chacun des capacités et des objectifs différents, en ce qui concerne leurs politiques au Moyen-Orient, une région qui est au coeur d’une profonde transformation », mentionne encore le rapport.
Ce dernier précise qu’au Moyen-Orient, les trois géants (les deux anciennes superpuissances de la guerre froide et la nation souhaitant les détrôner) « ne sont pas encore engagés dans le « grand jeu » de la concurrence classique entre grandes puissances. Ils redéfinissent plutôt leurs rôles dans cette région en fonction de leurs priorités à l’échelle mondiale. La Russie et la Chine tentent toutes deux de repousser la puissance américaine pour se tailler une plus grande place, sans toutefois se montrer trop ambitieuses ».
L’objectif ne semble cependant pas être de former un supergéant à deux têtes, chaque participant de cette entente de circonstance « possédant ses propres raisons de remplacer l’idée de l’ordre international projeté par les États-Unis avec une conception plus proche de la projection du pouvoir brut et de la gestion économique ». Bref, l’idée consisterait à faire fi du modèle multilatéral mis en place par l’Ouest à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, et plus récemment après la chute de l’Union soviétique, en 1991.
Un jeu à trois?
La détérioration des relations internationales, à la fois entre les États-Unis et la Russie, et entre les États-Unis et la Chine, notamment depuis le début de l’administration Biden, pourrait compliquer la donne sur le terrain, jugent les auteurs du rapport. Washington et Moscou ont régulièrement choisi de s’avertir mutuellement de leur présence sur le terrain, en Syrie, dans le cadre de la guerre civile qui ravage toujours ce pays (les deux pays se sont rangés dans des camps opposés). Quant à Pékin, « elle joue la carte du développement économique, et pense à long terme », souligne le rapport.
« La Chine et bien heureuse de laisser les États-Unis et la Russie défrayer des coups militaires, en plus de devoir gérer l’instabilité quotidienne du Moyen-Orient. Et avec le temps, Pékin espère transposer sa puissance économique en une influence géopolitique, au moment de son choix. »
Autres joueurs de moindre importance dans la région, mais tout de même acteurs dont il faut tenir compte, Israël et l’Iran pourraient venir compliquer les choses, à la fois pour les États-Unis et pour la Russie.
D’abord, l’État hébreu pourrait chercher à s’opposer aux tentatives de rapprochement entre Washington et Téhéran, le président Biden étant désireux de revenir aux conditions prévalant dans l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015. L’instabilité politique de ce petit pays risque cependant de changer la situation.
L’Iran, de son côté, pourrait poursuivre sa route vers la fermeté et renforcer encore davantage son programme nucléaire, ce qui amènera Téhéran un peu plus dans le giron de Moscou, tout en menant, à court terme, à des sanctions économiques difficiles pour la société iranienne, déjà à bout de souffle après des années de tensions. Sans compter, bien sûr, l’impact de la pandémie.
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