Pour les amateurs de Blake et Mortimer, l’un des plus célèbre duo de la bande dessinée franco-belge, chaque nouvel album est une véritable célébration de l’héritage d’Edgar P. Jacobs, et Le Cri du Moloch ne fait pas exception.
Découverte jadis par le docteur Jonathan Septimus, l’Onde Méga permet de contrôler les esprits à distance, mais l’activation de cette fréquence cérébrale a eu pour effet secondaire de sortir de sa torpeur le pilote d’un vaisseau spatial enfoui dans les profondeurs souterraines de King’s Cross. Bien que l’engin venu du cosmos ait été détruit, d’autres se cachent toujours dans le sous-sol de Londres. Les scientifiques britanniques viennent d’ailleurs de capturer l’habitant d’un de ces appareils, un extraterrestre qu’ils ont surnommé « Moloch », du nom d’une divinité biblique. Lorsque l’entité, capable de changer son apparence physique, parvient à s’enfuir des laboratoires secrets où elle était enfermée, de mystérieux hiéroglyphes commencent à apparaître sur les murs de la cité, et tout indique que la seule personne capable de les déchiffrer est le Colonel Olrik, l’ennemi juré de Blake et Mortimer présentement soigné à l’hôpital psychiatrique de Bedlam.
Le Cri du Moloch s’adresse principalement aux lecteurs de longue date de Blake et Mortimer, puisque ce récit continue celui de L’Onde Septimus, un titre paru en 2013 qui était lui-même une suite directe à La Marque jaune. Ceux et celles qui n’ont pas lu ces deux albums risquent donc d’être un peu perdus devant toutes les références contenues dans ce nouvel opus, mais les personnes familières avec l’œuvre d’Edgar P. Jacobs seront très heureuses d’enfin connaître le dénouement de cette aventure. Respectant à la lettre l’esprit de la série, la bande dessinée propose de la science-fiction intelligente, adulte et ancrée dans la réalité, mais le scénariste Jean Dufaux apporte quand même sa touche personnelle et un brin de nouveauté, et on apprécie beaucoup le traitement plus nuancé réservé au Colonel Olrik dans cette histoire dont il est, à bien des égards, le véritable héros.
Edgar P. Jacobs a élevé la ligne claire à son plus haut sommet avec Blake et Mortimer, et si les illustrateurs Christian Cailleaux et Étienne Schréder livrent une approximation adéquate de son style dans Le Cri du Moloch, leurs dessins sont quand même un peu moins raffinés que ceux de Jacobs. Ils reproduisent efficacement l’ambiance des rues londoniennes avec leurs pubs bondés, les autobus à deux étages, les entrepôts industriels aux briques rouges, ou les quais d’Isle of Dogs. Les dessinateurs incorporent des figures historiques au récit, comme la Reine Élizabeth ou Winston Churchill, tracés de manière assez ressemblante pour ne pas avoir à les nommer, et redonnent à Olrik le fameux costume qu’il portait dans La Marque jaune. Délaissant les couleurs vives en faveur de teintes terreuses, la coloration complémente à merveille l’aspect rétro de la bande dessinée.
Même s’il aura fallu attendre sept longues années pour connaître la suite, le scénariste Jean Dufaux livre une conclusion satisfaisante à l’aventure qu’il avait entamée dans L’Onde Septimus avec Le Cri du Moloch, une lecture incontournable pour tous les fidèles de Blake et Mortimer.
Blake et Mortimer, Tome 27 : Le Cri du Moloch, de Jean Dufaux, Christian Cailleaux et Étienne Schréder (d’après les personnages d’Edgar P. Jacobs). Publié aux éditions Blake et Mortimer, 56 pages.