Présent dans le paysage médiatique québécois depuis plusieurs années, Laurent LaSalle s’est peu à peu tourné vers un marché plus international: celui de YouTube et de Twitch, notamment pour la chaîne Le jeu c’est sérieux, mais aussi Radio Talbot et Moteur de recherche, l’émission de radio diffusée sur ICI Première. Rencontre.
Au bout du fil, ou plutôt au bout du service de clavardage audio, Laurent LaSalle semble bien heureux de replonger dans ses souvenirs. Quand a-t-il décidé de passer du statut de passionné de jeux vidéo à celui qui en fait son gagne-pain, au fait?
« C’est arrivé de façon assez organique, si je peux dire. Je travaillais comme designer web, à l’époque, et je croisais trop de clients qui savaient ce qu’ils ne voulaient pas. Ils te donnaient carte blanche pour produire du contenu, mais même si tu offrais deux options, je croisais trop de gens qui réclamaient des changements sans explication, des choses sans queue ni tête », commence-t-il par expliquer.
« Au moment où je souhaitais abandonner ça, Radio-Canada m’a approché. Je pensais que c’était pour la conception d’un site; c’était plutôt pour remplacer le Carnet techno, un projet qui s’est appelé Triplex. Ça m’a ébranlé. J’étais le premier choix sur leur liste pour un jeune geek techno. De fil en aiguille, j’ai rencontré Denis Talbot, on avait un ami commun. Je connaissais surtout Denis par la télé (avec l’émission M. Net, NDLR); quand il a appris que je travaillais pour Radio-Canada, il m’a proposé de collaborer à M. Net, une émission à laquelle participer a toujours été un peu un rêve. C’est en commençant à faire M. Net que j’ai commencé à avoir des contacts dans le jeu vidéo, à suivre cela d’un peu plus près. »
En combinant cette expérience à sa contribution à la chaîne Le jeu c’est sérieux, en compagnie de Guiz de Pessemier, Laurent LaSalle a peu à peu trouvé sa niche qui est aujourd’hui son métier à temps plein.
Qui dit Twitch et let’s plays, sur YouTube, d’ailleurs, ne veut pas nécessairement dire se lancer dans l’aventure sans aucune préparation. « C’est un mélange… Guiz est très spontané pour ça, du moins au début. Aujourd’hui, comme on propose d’autres choses sur la chaîne, il y a un peu plus de recherche, mais moi, quand on décidait de choisir un jeu… Après une certaine époque, on décidait de faire du montage et de jouer un peu plus longuement; c’est sûr que je m’intéressais à l’histoire du jeu. Qui était le développeur, ses influences, etc. Si je pouvais intégrer des éléments d’information pendant le let’s play« , poursuit M. LaSalle, avant d’ajouter que « souvent, c’était des jeux qui se jouaient seul. Guiz jouait, et je commentais l’action à côté. Il y avait donc l’opportunité de présenter des choses intéressantes ».
Le chroniqueur techno et twitcheur ne voit pas d’inconvénient, par ailleurs, à interagir avec le public. D’autant plus, dit-il, qu’avec ses années comme collaborateur à M. Net au compteur, et toutes ses autres participations à des émissions, ou encore comme blogueur, il a l’habitude des commentaires et des échanges avec ceux qui l’écoutent et le regarde.
« Dès que nous avons commencé sur YouTube, l’idée n’était surtout pas de fermer les commentaires. Et pour les commentaires désobligeants, on a eu, évidemment, mais jamais au point de se remettre en question ou de les prendre au sérieux. »
Sur Twitch, estime M. LaSalle, « c’est une communauté qui se construit, des échanges beaucoup plus directs ».
« J’ai hautement plus aimé l’interaction construite sur Twitch que les commentaires sur YouTube. L’impact de ces derniers n’est pas aussi direct. »
Encore de la place
Y’a-t-il trop de créateurs sur Twitch? Pas du tout, répond Laurent LaSalle. « C’est important de ne pas perdre de vue que des fois, les gens pensent qu’ils sont Québécois, et qu’ils ne peuvent donc attirer que des Québécois, donc si tu veux vivre sur Twitch, le Québec est trop petit. Mais l’internet, c’est mondial; la francophonie, c’est énorme. Pas aussi énorme que le marché anglais, évidemment, mais il y a en masse de Français qui nous suivent, et ça depuis YouTube. L’accent n’a jamais vraiment été un problème. »
« Chacun doit trouver sa voix; les gens qui me demandent « ah, je veux vivre de Twitch, comment je fais? », ce n’est pas la bonne approche. Il faut que tu veuilles, quand tu démarres un podcast… il faut que tu le fasses de manière régulière. Il faut que toi, tu aies du fun. Parce que oui, les trois premiers mois, vous serez peut-être cinq dans le chat, il n’y aura pas de monde, c’est normal. Et c’est normal de commencer avec le matériel que tu as. De toute façon, au début, tu ne seras pas bon; aussi bien y aller avec le matériel qui t’appartient », poursuit M. LaSalle.
Selon ce dernier, il faut savoir faire la différence entre la version idéalisée, ou encore parfaite, du produit que l’on souhaite présenter, et celle qu’il est possible de présenter immédiatement. Dans le cas contraire, les créateurs risquent de se brûler les ailes en tentant de mettre de l’avant une idée qui ne sera probablement pas encore au point. Mieux vaut donc laisser la chose mûrir, tout en accumulant de l’expérience et en améliorant peu à peu la façon dont les contenus sont présentés, la méthode pour interagir avec les internautes, et tout autre aspect de son offre sur Twitch, plutôt que de foncer, tête baissée.
« Ta première chose, ça sera de la marde. C’est sûr que ça ne sera pas bon… Mais ça va devenir bon, une fois que tu auras maîtrisé tous les aspects. »
« Je suis un peu un vieux croûton, sur Twitch; j’ai 42 ans, mais mon rêve, quand j’étais jeune, c’était de faire la job de Denis Talbot à M. Net. Je voulais animer une émission de jeux vidéo. Aujourd’hui, je ne veux rien savoir de ça, même si on me le proposait. La télévision, en 2021? Voyons donc! Aujourd’hui, c’est pas mal plus agréable avec la job que j’ai. Côté revenus, je me débrouille très bien; je ne suis pas gras dur, mais ça marche, on est capable de payer nos affaires, ça va bien. »
Et après plusieurs années à commenter des jeux vidéo, Laurent LaSalle peut-il encore jouer en silence? « Je n’ai jamais joué en silence, en fait. C’est peut-être pour ça que je suis aussi à l’aise. Je suis du genre à parler à haute voix. Évidemment, je ne vais pas parler autant que lors d’une diffusion sur Twitch, il y a toujours des choses supplémentaires qui se passent. Sauf que je ne joue jamais seul, hors ligne. Tant qu’à jouer, je vais lancer une diffusion et ce sera ça. Je ne vois plus l’intérêt, aujourd’hui – et c’est peut-être un peu étrange. Mais ce n’est pas du travail. »
Des séries marquantes
Plutôt que de nommer des titres précis, Laurent LaSalle invoque plutôt le souvenir de séries complètes lorsque vient le temps de parler de jeux qui l’ont marqué.
Metal Gear Solid: c’est de loin ma série préférée. Je parle des jeux qui sont sortis sur console de salon… Mais ce que j’aime de Metal Gear, même dans le premier titre de la série qui est sorti sur MSX. Il y avait des limitations, sur cette machine-là, qui faisaient en sorte que tu ne pouvais pas vraiment faire un jeu d’action, mais c’était un peu le mandat que Hideo Kojima avait chez Konami. Il s’est dit « ok, c’est bon, ça va quand même être un jeu de guerre, mais furtif ». Cette approche qui était en quelque sorte le contraire du réflexe qu’on a généralement dans un jeu vidéo, qui consiste à tuer tout le monde.
Au fil des titres, il y a eu des aspects précurseurs, avant-gardistes. Notamment Metal Gear Solid 2, qui parle du contrôle de l’information, avec une intelligence artificielle qui veut empêcher la libre circulation des informations en ligne en raison du bruit et des fausses nouvelles qui y circulent. L’objectif était noble, mais étant donné que ça brime nos libertés, c’était évidemment les méchants.
Hideo Kojima ne se prenait pas trop au sérieux, en plus, avec des éléments loufoques, dans ses jeux, qu’on ne retrouve pas dans un jeu américain.
Maniac Mansion: c’est un jeu que j’ai adoré, et j’y reviens au moins une fois par année. Trois adolescents doivent aller libérer la blonde de Dave, le personnage principal qui est accompagné de deux autres personnes. Chaque adolescent a ses forces et ses faiblesses, et ils peuvent affronter la famille Eddison, qui contrôle le manoir et qui a emprisonné la jeune fille. Les méchants sont contrôlés par un météore: c’est super années 1980, super série B comme approche, mais c’est un point and click avec beaucoup d’humour, et aussi l’un des premiers jeux du genre où il n’était pas nécessaire de taper les gestes à accomplir. Je trouve que c’est un jeu méconnu, surtout avec Day of the Tentacle qui est sorti par la suite.
Resident Evil: encore une fois, je recommanderais l’ensemble de la série, mais surtout Resident Evil 1, son remake sorti sur GameCube; Resident Evil 2, accompagné lui aussi de son remake, et Resident Evil 3, là encore avec son remake, qui est sorti récemment. Ces trois jeux m’attirent énormément. Il y a quelque chose dans la compagnie Umbrella qui a propagé accidentellement – ou non, ce n’est pas clair – un virus qui transforme les gens en zombies, ça, j’aime ça. J’aime l’histoire, aussi farfelue soit-elle. Et évidemment, je hais les films, ils sont dégueulasses. L’aspect survival horror, il y a peut-être là un parallèle avec Metal Gear: tu ne peux pas tuer tous les zombies, sinon, tu risques de manquer de balles à la fin.
The Stanley Parable: c’est malade. C’est une remise en question par rapport à nos libertés. On pense souvent qu’on est libre de faire tout ce qu’on veut, dans un jeu, mais non: le développeur doit penser à toutes les possibilités. Et le concept, dans le jeu, c’est d’écouter ou non le narrateur qui donne des directions.
C’est sûr que je peux aussi nommer Zelda: Breath of the Wild, je pense que tout le monde est au courant que ce jeu-là est merveilleux sur Switch. Les développeurs préparent la suite. C’est le meilleur Zelda, même s’il n’y a pas de donjons, ce qui est la grosse lacune du jeu. Cependant, tu peux explorer, grimper partout. Et les animations, la cuisine… tout le reste du jeu est fabuleux.
Écoutez l’entrevue complète dans le cadre du podcast Pacman et préjugés. Abonnez-vous à l’émission pour d’autres contenus supplémentaires.
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