De plus en plus de Québécois se tournent vers des «laits» à base de plantes pour remplacer le lait de vache, et plusieurs le font par souci écologique. Le lait d’amandes est particulièrement populaire: qu’en est-il de son empreinte environnementale? Le Détecteur de rumeurs a consulté les études sur le sujet.
Les boissons végétales sont produites à partir des grains, noix ou fruits transformés de diverses manières, notamment par trempage ou par décomposition. Le terme «lait» est parfois utilisé pour les désigner, mais à tort, puisqu’il doit être réservé aux produits d’origine animale. Du moins au Canada, en vertu du Code national sur les produits laitiers et du Règlement sur les aliments et drogues.
Moins de gaz à effet de serre par litre? Vrai
Les études démontrent effectivement que les boissons végétales utilisées comme substituts du lait sont plus écologiques que les laits de source animale.
Le potentiel de réchauffement climatique – mesuré en kilogramme d’équivalent dioxyde de carbone par litre de lait – du lait de vache varie entre 1,14 en Australie et en Nouvelle-Zélande, et 2,50 en Afrique, selon une revue systématique publiée en 2017 dans le Journal of Cleaner Production. Il est de 1,16 en Amérique du Nord. En comparaison, le potentiel de réchauffement climatique des boissons d’amandes n’est, en moyenne, que de 0,42 et celui des boissons de soya, de 0,75 à l’échelle mondiale.
Un des critères derrière ce calcul est l’utilisation des terres. Les laits d’amandes et de soya nécessitent moins de terres que le lait de vache : 0,5 et 0,7 mètre carré par an par litre consommé pour l’amande et le soya, comparativement à 8,9 mètres carrés par an pour le lait de vache.
Outre le fait que les amandiers nécessitent, pour croître, des terres plus petites que les autres productions, ils absorbent le carbone et, à la fin de leur vie, produisent une biomasse ligneuse utile.
Moins d’eau par litre? Ça dépend
La consommation d’eau est également moins élevée pour la boisson d’amandes que pour le lait de vache, soit 371 litres pour chaque litre produit contre 628 pour le lait de vache. Toutefois, la boisson de soya fait beaucoup mieux en exigeant seulement 28 litres d’eau par litre produit, selon des chercheurs de l’Université d’Oxford. En 2018, ceux-ci ont calculé la quantité d’eau douce utilisée à chacun des stades de la production de diverses boissons végétales (excluant la cuisson), soit de la transformation jusqu’au transport.
Les résultats de cette étude doivent toutefois être nuancés puisqu’ils s’appuient sur des données internationales. Or, les conditions géographiques et les modes de culture des amandes et autres végétaux, de même que les conditions de la production laitière, varient d’une région du monde à l’autre.
En Californie, qui fournit 80% des amandes cultivées sur la planète, les amandiers sont irrigués par les eaux souterraines et, dans certains cas, par l’eau des aqueducs d’État plutôt que par la pluie. Or, les sécheresses ont frappé régulièrement la Californie ces dernières années : considérant que la production de 16 amandes (ce qui suffit à peine à produire un litre de boisson à 2% d’amandes) dans cet État nécessite environ 15,3 gallons d’eau (58 litres), selon des calculs du New York Times, cette façon de faire est vivement dénoncée. Et comme la Californie produit annuellement plus de deux milliards d’amandes, la quantité d’eau détournée pour leur culture est assez importante pour que d’aucuns tirent la sonnette d’alarme.
Les critiques de l’utilisation du lait d’amandes comme solution de rechange au lait de vache estiment de plus que ses avantages nutritionnels (voir notre autre texte) ne sont pas suffisants pour justifier la quantité d’eau nécessaire à la culture des amandes.
Malgré ces considérations, la production du lait de vache reste plus dommageable pour l’environnement, tant par ses besoins en eau que par ses émissions de gaz à effet de serre.
Les abeilles et les pesticides
Au problème de consommation d’eau des amandiers, s’ajoute l’importante mortalité des abeilles utilisées pour leur pollinisation croisée.
On parle beaucoup ces dernières années du déclin de certaines populations d’abeilles. Une étude réalisée auprès d’apiculteurs des États-Unis a par exemple évalué à près de 50 milliards le nombre d’abeilles mortes au cours de l’hiver 2018-2019, soit le tiers de la population des abeilles « commerciales » de ce pays. Or, cette mortalité élevée serait en partie due à l’exposition des abeilles aux pesticides – en plus des maladies, des parasites et de la perte d’habitat naturel. Le Pesticide Action Network, le programme de données du ministère américain de l’Agriculture, a trouvé des résidus de neuf pesticides différents sur les amandes, dont cinq sont toxiques pour les abeilles mellifères.
En comparaison, le soya n’a pas besoin d’insectes pollinisateurs pour se reproduire.
Verdict
La production de laits végétaux engendre moins de gaz à effet de serre que celle du lait de vache. Par contre, la culture des amandes exige le détournement de très grandes quantités d’eau, dans des régions de surcroît touchées par la sécheresse: les boissons qu’on en tire ne peuvent donc être considérées pleinement écologiques.