Si vous voulez attirer du clic quand vous parlez de vaccination, dites que quelqu’un… est mort. Succès assuré.
Selon une compilation de la radio publique américaine NPR, entre les 1er janvier et 17 mars 2021, près d’un jour sur deux, c’est « une histoire sur quelqu’un qui meurt après avoir reçu un vaccin » qui a été parmi les articles les plus populaires sur les médias sociaux.
Au point d’introduire une distorsion: le fil Facebook d’un citoyen moyen pourrait effectivement lui donner l’impression que quelque chose de dramatique est en train de se passer.
NPR en profite pour rappeler que, selon des données récentes du Centre américain de contrôle des maladies, on a trois fois plus de chances d’être frappé par la foudre.
Cette compilation rappelle une dimension fondamentale de la désinformation: ce n’est pas juste l’information fausse qui est importante, c’est sa dissémination et sa répétition. En l’occurrence, l’information de départ peut même ne pas être entièrement fausse: la personne est effectivement décédée peu de temps après avoir été vaccinée. Sauf que rien ne permet d’affirmer qu’il y a un lien: chaque jour, des millions de personnes meurent dans le monde (8000 par jour rien qu’aux États-Unis), de sorte que dans une campagne de vaccination de masse, il est statistiquement inévitable que certains vaccinés meurent dans les jours suivant leur injection.
Selon cette compilation, effectuée avec les données de la firme américaine Newswhip, « l’histoire vaccinale la plus populaire » aura été un article du journal Florida Sun Sentinel, repris par le Chicago Tribune, sur un médecin décédé quelques semaines après avoir reçu son vaccin. Bien que l’article dise explicitement qu’aucun lien n’a été établi, il a eu droit à 5 millions d’interactions sur Facebook et Twitter.
C’est une caractéristique de l’esprit humain, commente le professeur en sciences de la communication Deen Freelon: « mettre l’emphase sur les anecdotes haletantes, et balayer les statistiques qui sont beaucoup plus représentatives ».