Si ce qui se passe aux États-Unis s’avère représentatif des autres pays riches, les écarts de revenus pourraient être un autre obstacle à l’atteinte de l’immunité collective.
Un rappel: pour que le virus soit en manque de cibles, il faut qu’une proportion suffisante de la population ait été vaccinée, ou ait développé une immunité naturelle. On estime souvent cette proportion à 70% dans le cas de la COVID-19 (bien que cette estimation soit sujette à débats).
Or, nombreux sont ceux qui disent, depuis le début de la campagne de vaccination, que l’atteinte d’une immunité collective est impossible: d’une part, parce que les moins de 16 ans ne peuvent pas, pour l’instant du moins, être vaccinés; d’autre part, parce qu’une proportion indéterminée de la population refusera la vaccination.
Mais il y a une troisième raison, et elle ressort de plus en plus nettement aux États-Unis, alors que des centaines de milliers de personnes par jour reçoivent leur première dose: il faut beaucoup plus de temps pour vacciner les plus pauvres que les plus riches.
L’auteur d’une analyse parue vendredi dernier dans le New York Times en conclut que son pays se dirige vers une situation où des régions entières auront atteint l’immunité de groupe (« oasis ») tandis que d’autres vivront encore, pendant des mois peut-être, dans un état de faible taux de vaccination (« déserts »).
L’auteur donne en exemple la Floride où les 65-74 ans sont éligibles à la vaccination depuis quatre mois. Presque tous ceux du comté le plus riche de l’État, St-Johns, ont été vaccinés. Dans le comté voisin, Putnam, qui est l’un des plus pauvres, seulement la moitié des 65-74 ans ont été vaccinés.
Ce n’est pas la première fois qu’est employée l’expression « désert vaccinal »: un article du New York Magazine entrevoyait le problème il y a deux semaines (« 111 comtés ruraux n’ont aucune pharmacie qui puisse donner le vaccin »), et un article du Philadelphia Inquirer l’annonçait il y a un mois pour sa ville.
Ce n’est pas à cause de l’absence d’assurance-maladie universelle, un phénomène propre aux États-Unis, puisque le vaccin est gratuit. C’est plutôt que les quartiers les plus pauvres ont moins de professionnels disponibles pour vacciner, ou que leurs résidents sont moins nombreux à disposer d’une voiture pour se déplacer, ou à pouvoir se libérer de leur travail, ou moins nombreux à suivre les infos sur la vaccination dans leur région, voire moins nombreux à parler anglais — des facteurs qui, si rien n’est fait pour corriger la situation, risquent d’être communs à toutes les populations les plus pauvres dans tous les pays riches.
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