Il est tout beau, tout frais sorti des presses (ou de leur équivalent numérique), et il est évidemment déjanté à souhait. Les gars de King Gizzard and the Lizard Wizard, jamais du genre à s’asseoir sur leurs lauriers, et en apparences réfugiés dans les terres australes, libérés de la menace de la COVID-19, viennent tout juste de lancer L.W., leur 17e album studio. Rien de moins!
Cela fait à peine trois mois que K.G., première partie de ce qui est clairement un album double, tombait dans les bacs des disquaires. Pour les connaisseurs des belles années du groupe, notamment 2017, où les musiciens ont sorti pas moins de cinq disques, cela pourrait presque avoir des airs de relâchement, mais comparativement à – prenons un exemple au hasard, tiens – Daft Punk, qui vient de se séparer après sept ans, voire huit sans rien lancer de concret, le rythme de production est effréné.
L.W., donc, conclusion logique après K.G., bien entendu, est aussi la troisième partie d’un triptyque monotonal entamé avec Flying Microtonal Banana, l’un des cinq albums de 2017. Pour les initiés, cela signifie un type de ton musical bien spécifique, avec des intervalles plus petits qu’un demi-ton. Pour les profanes, toutefois, il suffit de savoir que les membres de KGLW ont choisi d’utiliser des instruments particuliers, ce qui donne un côté spécifique à la musique. Dans le bon sens du terme, bien sûr. Et évidemment, tout cela s’inscrit dans un contexte d’expérimentation musicale, ce qui forme l’un des piliers fondateurs du groupe.
Deux disques comportant chacun une pièce K.G.L.W., l’un au début, l’autre à la fin, avec les mêmes sonorités; cette volonté d’examiner des sons un peu plus nasillards… un peu plus orientaux, aussi, comme si le groupe avait effectué un large détour par la Turquie, mais aussi par les souks les plus branchés d’Afrique du Nord pour y trouver de l’inspiration; sans oublier du bon gros rock sale aux allures de sacrifice sataniste. Tout cela se rencontre, s’unit, se sépare, se télescope dans une odyssée musicale qui nécessite que l’on reprenne quelques fois son souffle.
Et donc, est-ce du pareil au même? Ou plutôt, une nouvelle dose d’une formule qui fonctionne bien? Oui… et non. L.W., d’abord, sonne comme un album complémentaire. Il s’écoute sans avoir connaissance de son prédécesseur, bien entendu, comme K.G. s’écoute sans son successeur, mais on a peut-être l’impression que les neuf nouvelles pièces sont un peu plus abouties, un peu plus travaillées et complètes que les 10 chansons qui se trouvaient sur K.G.
Les avis varient, bien entendu, mais peut-être qu’il serait possible d’imputer cela à une certaine retenue dans le désir, de la part des gars du groupe, de risquer de pousser le bouchon un peu trop loin. À titre d’exemple, on retrouve, dans la pièce O.N.E., du nouvel album, des accords de guitare similaires à ce que l’on retrouvait dans Straws in the Wind, sur le précédent disque. Mais… sans tout le côté agaçant, répétitif de cette dernière.
Bon, casser du sucre sur le dos de cette chanson spécifique est facile, mais force est de constater que K.G. et L.W. mis ensemble donnent naissance à un trip musical de près de deux heures dont on s’éveille après avoir fait l’équivalent d’un rêve psychédélique. À preuve, le vidéoclip de la pièce O.N.E, qui rappelle les années 1960, ou encore l’incroyable aventure d’If Not Now, Then When?.
Une chose est donc certaine: L.W. est la nouvelle pièce du vaisseau spatial musico-intergalactique du groupe, et le décollage est immédiat. Fort heureusement, il n’y a aucune amende pour les retardataires.