Michel Viau et Jocelyn Bonnier nous invitent à replonger dans les annales criminelles du Québec avec Blass: Le chat sur un toit brûlant, une bande dessinée relatant la carrière du plus célèbre des gangsters d’ici.
À la fin des années 1960, la criminalité fait des ravages à Montréal, qui subit entre cinq et douze hold-ups par jour, soit presque autant qu’à New York. L’un des bandits les plus redoutés de l’époque est Richard Blass, surnommé « Le Chat » par les médias locaux après avoir échappé miraculeusement à cinq attentats contre sa personne. Digérant mal que les activités illégales soient majoritairement contrôlées par la mafia italienne, lui et sa bande s’en prennent à la famille Cotroni, ce qui dégénère en véritable guerre de territoire. Entre 1965 et sa mort en 1974, où il sera criblé de balles par les policiers dans un chalet de Val-David, Blass commettra d’innombrables braquages, pas moins de 23 meurtres, s’évadera de prison à trois reprises, et dans un geste d’une rare violence, enfermera les clients à l’intérieur du bar-salon Gargantua avant d’y mettre le feu, et la bande dessinée Blass: Le chat sur un toit brûlant propose un récit biographique sur cet homme, qualifié de « criminel le plus dangereux du Canada ».
Après être revenu sur un meurtre sordide survenu en 1922 dans la bande dessinée L’affaire Delorme, le scénariste Michel Viau puise à nouveau dans l’Histoire policière du Québec avec Blass: Le chat sur un toit brûlant. Relatant les faits saillants de la carrière du criminel avec en toile de fond la montée du FLQ, l’album livre le portrait d’un homme arrogant, violent et raciste (« On s’est toujours fait manger la laine sur le dos par les Anglais pis les Juifs, c’est pas les wops qui vont venir nous dire quoi faire astheure! »). Sans le glorifier, Viau accrédite tout de même la thèse voulant que les conditions de détention inhumaines au Cell Block 1 du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, là où il rencontrera Jacques Mesrine, aie contribué à faire de lui un monstre, même s’il était loin d’être un enfant de cœur auparavant. J’ignore s’il s’agit d’un fait véridique ou d’un élément de mise en scène, mais il y a une grande ironie derrière le fait que Blass ait bloqué la sortie du bar-salon Gargantua avec un jukebox jouant Light My Fire des Doors au moment de mettre le feu à l’établissement.
Malgré des dessins en noir et blanc, Jocelyn Bonnier utilise les nuances de gris pour apporter profondeur et relief aux illustrations de Blass: Le chat sur un toit brûlant. La bande dessinée ne manque pas d’action avec ses hold-ups, ses poursuites en voiture et ses fusillades, mais ne tombe jamais dans le sensationnalisme. Une scène de viol sera par exemple suggérée plutôt que montrée explicitement. On reconnaît avec plaisir plusieurs lieux mythiques de Montréal, comme les ruelles du quartier Rosemont, les commerces de la Petite Italie, ou le Roi du Smoked Meat sur la Plaza St-Hubert, et ses figures historiques, dont Blass lui-même, son avocat Frank Schoofey, les frères Cotroni, Trudeau père, Jacques Mesrine ou un jeune Claude Poirier (avec cheveux) sont très ressemblants. Il reproduit même la lettre que « Le Chat » envoya à André Rufiange du Journal de Montréal alors qu’il était en cavale. La marge intérieure de l’album est par contre trop petite, et il faut parfois étendre les pages pour pouvoir lire le contenu de certains phylactères.
Alors que la mode du « true crime » bat son plein, il est étonnant que, à part Requiem pour un beau sans-cœur, où Robert Morin explorait les derniers mois de sa vie, peu d’œuvres aient été consacrés à Richard Blass, mais cet oubli est maintenant corrigé grâce à la bande dessinée de Michel Viau et Jocelyn Bonnier.
Blass: Le chat sur un toit brûlant, de Michel Viau et Jocelyn Bonnier. Publié aux éditions Glénat, 141 pages.
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