Une autre année, une autre charge contre les inégalités économiques: tout juste avant le début du Forum économique de Davos, qui se déroulera cette année en mode virtuel, pandémie de COVID-19 oblige, l’organisation Oxfam dévoile de nouvelles données sur l’écart toujours grandissant entre riches et pauvres, un fossé exacerbé par les mécanismes économiques à l’oeuvre dans le contexte de la crise sanitaire, justement.
Selon le document, intitulé Le virus des inégalités, les 1000 personnes les plus riches du monde ont ainsi réussi, en neuf mois à peine, à récupérer l’ensemble de leurs pertes financières depuis le début de la crise, alors qu’il faudra plus de 10 ans, aux plus pauvres, pour se relever des contrecoups économiques de la maladie, et des divers confinements imposés pour limiter la propagation du virus.
Au Canada, écrivent les chercheurs d’Oxfam, les 44 milliardaires du pays ont vu leur fortune s’accroître de 63,5 milliards de dollars pendant la même période. Si ce montant était redistribué équitablement aux 3,8 millions de Canadiens les plus pauvres, cela équivaudrait à un chèque de 16 823$ par personne, lit-on dans le document.
Une enquête effectuée par Oxfam auprès de 295 économistes, dans 79 pays, indique que 87% des personnes interrogées jugent que les inégalités de revenus iront en s’amplifiant, en raison de la pandémie, mentionne le rapport. Quant aux inégalités de genre, 56% des personnes sondées croient qu’elles prendront elles aussi de l’ampleur. Les femmes sont en effet davantage touchées par les impacts de la pandémie, non seulement parce qu’elles sont plus souvent responsables de s’occuper des enfants renvoyés à la maison après la fermeture des écoles, mais aussi parce qu’elles occupent davantage d’emplois précaires dont les heures de travail ont été réduites, quand ils n’ont pas tout simplement disparu.
Cinq aspects d’une même offensive
Pour contrer cette détérioration rapide du tissu socio-économique et cette exacerbation des inégalités, qui pourraient notamment entraîner de graves perturbations politiques et sociales, à l’image des mouvements de protestation qui avaient ébranlé bon nombre de pays, notamment en Amérique du Sud, avant l’éclatement de la pandémie, Oxfam propose cinq pistes de solutions.
D’abord, écrit-on, les pays doivent lutter efficacement et durablement contre les inégalités, notamment les déséquilibres entre les hommes et les femmes, que ce soit en matière d’embauche, de salaires, ou encore de répartition des tâches. Au dire des auteurs du rapport, d’ailleurs, la Banque mondiale estime que si les pays du monde s’unissent dans cette lutte, il ne faudra que trois ans pour que le niveau de pauvreté revienne à celui d’avant la pandémie. Autrement, plus d’une décennie d’efforts seront nécessaires.
Ensuite, il est fortement recommandé d’investir dans les soins de santé universels, « qui constituent le socle de sociétés libres et équitables et permettent mieux que tout autre outil de réduire les inégalités ». Il aura fallu une dizaine d’années pour que le Costa Rica et la Thaïlande mettent sur pied de tels systèmes universels, soutient Oxfam, qui affirme que « d’autres pays peuvent suivre leur exemple ». Dans la foulée, les auteurs du rapport implorent les gouvernements de rendre le vaccin contre la COVID-19 disponible pour tous, sans égard à leur niveau de revenu.
Comment y parvenir? En « tenant tête aux sociétés pharmaceutiques et en exigeant un accès libre à l’ensemble des technologies et des brevets pertinents ».
Oxfam recommande aussi d’en finir avec les salaires mirobolants des dirigeants d’entreprises en instaurant des plafonds salariaux stricts; l’argent ainsi récupéré pourrait être redistribué aux plus pauvres, ou encore financer des programmes sociaux bien souvent exsangues, notamment depuis le début de la pandémie.
Parallèlement à cette décision, les riches doivent payer leur juste part d’impôts, estiment les auteurs du document, qui appellent à repenser les structures fiscales actuelles, entre autres en combattant agressivement les paradis fiscaux. Ainsi, « un impôt sur les bénéfices excédentaires engrangés par les multinationales au cours de la pandémie pourrait générer 104 milliards de dollars, soit suffisamment pour proposer des allocations chômage à l’ensemble des travailleurs, ainsi qu’une aide financière pour tous les enfants et les aînés dans les pays les plus pauvres », écrivent-ils.
Enfin, la dernière mais non la moindre des mesures à adopter, dit Oxfam, consiste à faire front uni contre les changements climatiques, y compris en « construisant une économie verte qui empêche toute dégradation supplémentaire de notre planète et la préserve pour nos enfants ».
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