Du jamais vu dans l’histoire récente des sciences: pas moins de 4% des recherches publiées en 2020 ont été consacrées au coronavirus. Et hors COVID, les revues scientifiques rapportent une augmentation des articles qui leur ont été soumis — peut-être parce que beaucoup de chercheurs ont passé beaucoup plus de temps qu’à l’habitude chez eux.
L’éditeur Elsevier — le plus gros éditeur de revues scientifiques du monde, avec plus de 2300 titres — rapporte ainsi avoir reçu 270 000 propositions d’articles à publier entre février et mai, soit 58% de plus que pendant la même période l’année précédente. On savait déjà que les serveurs de prépublication avaient noté une augmentation sensible, mais la croissance du côté des revues était jusqu’ici restée plus loin des écrans radar.
La compilation d’Elsevier note aussi que cette croissance défavorise les femmes scientifiques, un phénomène qui, lui, avait été noté avec inquiétude dès le printemps, parce qu’il signale une inéquité dans la conciliation travail-famille.
Même si cette croissance n’est pas uniquement composée de recherches sur le coronavirus, celui-ci y a contribué: tout dépendant des critères utilisés, 100 000 à 200 000 auraient été publiés articles sur le sujet en 2020. Dans un cas, celui de la base de données Dimensions, cela représente plus de 4% de tout ce qui s’est publié (sciences et sciences sociales combinées), analyse la revue Nature.
« Au début », y lit-on, ces publications et prépublications « se concentraient sur la propagation de la maladie, les retombées pour les personnes hospitalisées et les diagnostics et tests ». Ces sujets ont atteint un plateau en mai, tandis que la recherche en santé mentale se mettait à grimper.
Le temps mis pour réviser une recherche avant qu’elle ne soit publiée s’en est ressenti. Les textes qui, après avoir été pré-publiés sur le serveur MedRxiv (spécialisé en médecine), ont été publiés formellement ailleurs, ont mis en moyenne 72 jours pour franchir ce cap, deux fois plus vite que les prépublications dans d’autres domaines scientifiques.
Et la nationalité des chercheurs « covidiens » semble suivre le parcours du virus: beaucoup plus de chercheurs chinois en début d’année, croissance rapide des chercheurs italiens alors que le virus atteignait leur pays.
La palme de l’article le plus souvent cité sur la COVID revient à une équipe chinoise, pour une recherche parue le 24 janvier dans The Lancet sur les symptômes et l’état de santé général de 41 des tout premiers patients hospitalisés à Wuhan.