Sorte de croisement entre un péplum à la 300 et l’horreur à la sauce lovecraftienne, la bande dessinée Les Licteurs d’Olivier Richard et Yang WeiLin nous transporte dans la Rome antique, pour un conflit aux proportions mythologiques.
En l’an 219 de notre ère, l’empereur Héliogabale, un adolescent syrien appelé à devenir le nouveau César, débarque à Rome. Le jeune homme transporte avec lui une pierre tombée du ciel, une météorite symbolisant le soleil et appelée Élagabal qu’il souhaite installer sur le Palatin pour en faire la divinité suprême, ce qui déplait fortement aux traditionalistes. Au même moment, sur l’île de Samothrace, là où, près de deux siècles plus tôt, Pan a été assassiné, un mystérieux « Homme noir » apparaît, se faisant adorer par une foule de monstres. Héliogabale charge donc les licteurs, la force spéciale de l’empire romain, de le tuer. Le groupe de soldats prend la mer en direction de l’île maudite, mais confrontés à des obstacles surnaturels tout au long du voyage, ils en viendront à penser que, courroucés par le sacrilège de l’empereur, les Dieux eux-mêmes ont déclaré la guerre à l’humanité.
Les Licteurs prend place dans une version alternative de la Rome antique, et intègre de véritables figures historiques à son récit, dont l’empereur Héliogabale, Pline le Jeune ou les licteurs, une escouade spéciale chargée d’exécuter les décisions coercitives des magistrats. Décrit au début de l’album, le meurtre de Pan, le tout premier Dieu à être assassiné et dont la mort fût annoncée par des voix désincarnées au marin Thamus, est d’ailleurs tiré directement des écrits de Plutarque. Si les connaissances en Histoire du scénariste sont manifestes, Olivier Richard est aussi versé dans la mythologie, et il peuple son univers d’une myriade de créatures fantasmagoriques parmi lesquelles des ménades, des harpies, des satyres, ou Dagon. Les personnages principaux sont malheureusement peu développés et assez monolithiques, mais le conflit auquel ils prennent part est rien de moins que spectaculaire, ce qui rend la lecture tout de même passionnante.
Chacune des cases dans Les Licteurs est remplie d’une impressionnante quantité de détails. Le dessinateur Yang WeiLin y multiplie les images apocalyptiques: nuées d’oiseaux tombant du ciel comme des pierres, poissons, baleines et poulpes morts remontant par centaines à la surface des flots, éruption du Vésuve ensevelissant Pompéi, sorcière pourrissant en un instant avant de s’émietter et de disparaître, cavalier frappé par la foudre, légionnaires se faisant crever les yeux par des harpies, bref, la bande dessinée s’adresse clairement à un public adulte. Afin d’illustrer la décadence de Rome dans toute sa splendeur, l’artiste insère aussi une touche de nudité et des scènes complètement délirantes d’orgies, où l’on peut voir Héliogabale sur un charriot traîné par des femmes nues sanglées comme des chevaux.
Davantage axé sur l’action brute que le développement des personnages, les amateurs de péplums mythologiques trouveront leur compte avec Les Licteurs, le premier tome d’un diptyque qui s’annonce prometteur grâce à un savant mélange de légendes et de réalité historique.
Les Licteurs, tome 1 : La mort du grand Dieu Pan, de Olivier Richard et Yang WeiLin. Publié aux éditions Glénat, 48 pages.