Alors que commence la vaccination contre la COVID-19, plusieurs questions restent sans réponse, et le resteront pendant des semaines. Le Détecteur de rumeurs a jeté un œil sur huit de ces choses que les chercheurs ignorent encore sur les trois vaccins qui ont été autorisés ou sont sur le point de l’être.
1) Le vaccin empêchera-t-il la transmission du virus?
Cette première question peut sembler paradoxale: à quoi sert le vaccin, s’il n’empêche pas la transmission du virus ? Une des possibilités est qu’il réussisse à prévenir les formes graves de la maladie, c’est-à-dire celles qui envoient des gens à l’hôpital et qui provoquent des décès, mais pas les formes bénignes. Cela voudrait dire qu’on aurait soulagé les hôpitaux à travers le monde et réduit considérablement le nombre de décès — mais cela n’empêcherait pas le virus de continuer à se transmettre de personne à personne.
Pendant les premiers mois de la campagne de vaccination, la conséquence pourrait être que, par exemple, des personnes vaccinées ne présentant pas de symptômes de la COVID-19, contribueraient à leur insu à transmettre le virus à des personnes qui n’ont pas encore été vaccinées.
La réponse à cette question est attendue à la fin des essais cliniques, possiblement dans les premiers mois de 2021, selon les vaccins.
2) Combien de temps durera l’immunité conférée par les vaccins?
Puisque les tests des trois premiers vaccins n’ont eu lieu que cet automne, personne ne peut pour l’instant savoir si l’efficacité mesurée jusqu’ici va durer dans le temps.
Dans une étude parue le 3 décembre, on apprenait que le vaccin de Moderna avait produit des anticorps persistant 90 jours après la vaccination. Avec chaque nouvelle semaine qui passe, il est possible que cette durée s’allonge, mais il s’agit encore des premières données recueillies. Les participants seront suivis pendant 13 mois pour vérifier la protection à plus long terme.
Autrement dit, il faudra attendre les résultats du suivi des participants aux essais pour voir si la protection vaccinale durera un an, deux ans ou plus… et si cette protection sera la même selon l’âge et l’origine ethnique. On ignore aussi si tous les vaccins offriront la même protection pendant la même durée de temps.
3) Les vaccins mettront-ils fin à l’épidémie?
À part la variole, les maladies pour lesquelles nous avons un vaccin ne sont jamais complètement disparues. Par ailleurs, aucun vaccin n’est efficace à 100%. Mais des études de modélisation ont suggéré qu’aux États-Unis, il suffirait que 60% à 70% de la population soit vaccinée pour atteindre «l’immunité collective». C’est-à-dire le point au-delà duquel un microbe cesse de se propager parce qu’il y a tellement de personnes protégées qu’il ne peut plus atteindre les personnes vulnérables.
Il est possible que l’atteinte de cet objectif ne dépende pas seulement de la vaccination d’un nombre suffisant de personnes, mais de la vaccination des bonnes personnes. Il faudrait pour cela, en théorie, cibler les plus susceptibles de transmettre le virus ou celles qui sont les plus susceptibles d’être impliquées dans des événements de grande diffusion.
4) Le vaccin sera-t-il offert aux femmes enceintes?
Les entreprises qui développent des vaccins hésitent à les tester sur des femmes enceintes. Résultat : lorsque le vaccin est approuvé, les femmes enceintes se le voient refuser ou doivent accepter de se faire vacciner avec un produit qui n’a pas été étudié pendant la grossesse.
Dans le cas de la COVID-19, des chercheurs ont plaidé en faveur d’une nouvelle approche et, en février, un article dans le magazine spécialisé en santé STAT soulignait que de développer un vaccin que les femmes enceintes ne pourraient utiliser serait une grave injustice. Ainsi, certains fabricants ont déclaré qu’ils testeraient leur vaccin chez les femmes enceintes après la fin de leurs études de phase 3.
En attendant, les données disponibles ne permettent pas de dire si les vaccins de Pfizer et Moderna sont sûrs pour les femmes enceintes. Et il n’y a pas de données qui pourraient être extrapolées à partir d’expériences précédentes puisque tous deux seront les premiers vaccins utilisant la technologie à ARN messager (ARNm).
5) Quelle sera son efficacité pour les enfants?
Comme pour les femmes enceintes, on n’a pas de données pour les enfants. Les vaccins doivent traditionnellement avoir fait leurs preuves chez les adultes avant de passer à cette étape qui consiste à examiner si la posologie, le nombre de doses et l’intervalle entre les doses, doivent être ajustés pour les enfants.
Par contre, les enfants sont, pour la plupart, épargnés par les effets graves de la COVID-19. On sait qu’ils peuvent transmettre la maladie, mais les données épidémiologiques montrent qu’ils sont, en général, moins contagieux.
Quant aux adolescents, Pfizer a commencé plus tardivement à tester son vaccin chez des volontaires de 12 ans et plus et Moderna vient de commencer. Les données sont donc encore fragmentaires.
Les autres principaux fabricants, dont AstraZeneca, n’ont pas encore commencé à tester leurs vaccins chez les adolescents.
6) Et les personnes âgées?
Pour l’instant, les données disponibles ne permettent pas de savoir si le vaccin est efficace pour toutes les personnes à risque, comme celles avec des comorbidités ou les personnes âgées dont le système immunitaire est souvent déprimé.
L’alliance Pfizer/BioNtech, qui inclut au moins 40 % de participants de plus de 55 ans dans ses essais, affirme que son vaccin est efficace chez les plus de 65 ans. Ces résultats de phase 3 doivent toutefois être confirmés, ce qui pourrait prendre quelques semaines.
Même chose pour le vaccin développé par AstraZeneca et l’Université d’Oxford, qui provoquerait chez les sujets de plus de 56 ans une réponse immunitaire identique à celle qu’il déclenche chez les 18 à 55 ans. Les chercheurs notent toutefois une limite à leur étude. La moyenne d’âge dans le groupe des participants les plus vieux était de 73 à 74 ans et peu d’entre eux avaient des problèmes de santé.
7) Quels sont les effets secondaires?
Jusqu’à présent, les effets secondaires des essais cliniques ont été minimes et de courte durée. Mais cela ne garantit pas que les vaccins n’auront pas d’effets secondaires graves chez une petite poignée de personnes: tout médicament en a. Il est peu probable qu’une réaction qui ne se produit que chez une personne sur un million ou sur 10 millions apparaisse lors d’un essai portant sur 30 000 personnes, mais lors d’une campagne de vaccination massive, des effets secondaires apparaissent inévitablement sur les écrans radar.
8) D’autres vaccins à venir?
Plus de 200 vaccins sont actuellement à différentes étapes des essais cliniques. On peut prévoir que dans les prochaines semaines, d’autres feront donc l’objet d’annonces encourageantes. Plus il y aura de vaccins efficaces contre le SARS-CoV-2, mieux ce sera pour la population mondiale, puisque cela fera plus de doses disponibles.
Certains pourraient même présenter des avantages par rapport aux deux premiers vaccins. Par exemple, Johnson & Johnson est le seul parmi les principaux fabricants à tester un vaccin à dose unique. D’autres testent des produits qui ne nécessitent pas de stockage ultra-froid, ce qui facilite la distribution.
Le problème, c’est qu’une fois que les vaccins de Pfizer, de Moderna et d’AstraZeneca auront commencé à être distribués, s’ils le sont, les personnes qui participent aux essais cliniques pour d’autres vaccins pourraient être tentées d’abandonner. Pourquoi prendre le risque de recevoir un placebo au lieu de recevoir un vaccin reconnu efficace?
Si un grand nombre de participants choisissent d’abandonner les essais en cours, les chercheurs n’auront pas toutes les données dont ils ont besoin pour déterminer l’efficacité d’un autre vaccin.
De plus, les chercheurs peuvent-ils, d’un point de vue éthique, réaliser un essai clinique de phase 3 sur un vaccin à l’efficacité hypothétique quand un vaccin dont l’efficacité a été démontrée est disponible? En théorie, ils pourraient choisir de comparer leur vaccin à l’un des deux ou trois dont l’utilisation aura été autorisée, mais c’est un exercice plus exigeant que de comparer un vaccin à un placebo…
Les essais nécessaires demanderont donc plus de volontaires et prendront plus de temps. À moins que les chercheurs ne mènent leurs essais dans des pays où les vaccins contre la COVID-19 ne sont pas encore disponibles. Ce qui soulèvera d’autres questions éthiques quant à une possible exploitation des volontaires.
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