Un groupe de jeunes diplômés qui ont la vie devant eux. Une industrie de la finance prépandémie qui a le couteau entre les dents. Un milieu ultra compétitif qui fait ressortir le meilleur comme le pire. Et une télésérie qui jette un nouvel éclairage sur un monde que l’on connaît encore mal. Voici Industry.
Originaire des États-Unis, Harper Spence fait partie de la plus récente cohorte d’employés chez Pierpoint & Co, une grande banque d’investissement sise à Londres. Dans six mois, elle devra survivre à la reduction in force, un processus d’attrition où environ la moitié des nouveaux embauchés sont licenciés. C’est donc la course pour se faire remarquer, le tout dans un monde où l’ambiance est déjà aux mensonges, aux tromperies et aux soirées plus qu’arrosées pour convaincre des clients et s’arroger la gloire des nouveaux investissements lucratifs.
Le monde de la haute finance a déjà été représenté de diverses façons à l’écran, notamment dans le célèbre Wall Street, à la fin des années 1980. Ici, cependant, pas de glamour, ou si peu: les jeunes employés sont harcelés, constamment sous pression, voire intimidés. En fait, les engueulades sont nombreuses, et dès le premier épisode, un nouvel employé ayant décidé de travailler presque 24 heures sur 24, stimulants liquides et médicaux à l’appui, finira par mourir, victime d’une crise cardiaque.
Pourtant, cette critique d’un système omniprésent sera de courte durée. On ignore s’il s’agit de l’effet des nombreux changements de réalisateurs dans le cadre des huit premiers épisodes de cette première saison diffusée sur HBO, mais le ton change, et tout le monde semble relativement accepter que pour travailler chez Pierpoint, il faut avoir les dents longues.
On se retrouve plutôt avec une série où l’on observe les relations interpersonnelles entre les personnages, qui couche avec qui, qui se trouve dans un rapport de force par rapport à qui, ce genre de choses. Et non pas que cela ne soit pas intéressant, mais il devient franchement plus complexe, à mesure qu’avance la saison, d’éprouver de la sympathie envers des gens qui s’engagent dans une aventure professionnelle qu’ils sauront être plus que mouvementée. Et pour atteindre quel objectif? Faire de l’argent? Il est à peine question d’argent, dans cette saison. On y mentionne bien quelques montants, ici et là, ou on nous lance quelques termes vaguement financiers – sans oublier une référence flagrante à Wall Street, vite escamotée –, mais encore une fois, ce n’est que temporaire, avant que les scénaristes ne nous ramènent du côté de l’émotionnel.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? La série a du bon, justement parce que l’on évacue les termes spécifiques au domaine où tous ces gens travaillent. On pourrait, en un sens, transplanter les échanges et les intrigues d’Industry dans le contexte d’un autre travail de bureau prenant, et l’ensemble serait relativement toujours potable.
L’inconvénient, c’est qu’en évacuant le côté critique sociale du monde la finance, et en offrant simplement des gens stimulés par l’appât du gain, on fini franchement par s’ennuyer. Les tribulations d’un groupe de sociopathes obsédés par le travail n’ont rien de particulièrement réjouissant, d’autant plus que les enjeux ne semblent jamais suffisamment importants pour justifier notre intérêt.
Bref, on écoutera Industry avec un certain intérêt, à défaut d’un intérêt certain. De quoi passer le temps, certainement, mais sans vraiment nous donner envie d’écouter la deuxième saison. S’il y en a une, bien sûr.