Les saisons se suivent et finissent par se ressembler: la particulièrement populaire télésérie The Crown a pris Netflix d’assaut avec une quatrième saison qui s’annonçait explosive. Non seulement y aborde-t-on les années Thatcher et l’impact de la Dame de Fer sur la société britannique, mais les parcours des différents protagonistes, royaux et autres, semblaient se rapprocher peu à peu, dans la perspective d’un télescopage dantesque. Et si le jeu et les décors sont toujours plus qu’à la hauteur, la série rappelle aussi à quel point la monarchie est une institution inutile.
Toujours profondément malheureux en raison de l’impossibilité de marier Camilla Parker-Bowles, le prince Charles erre comme une âme en peine. Il rencontrera bien entendu Diana Spencer, qui deviendra sa femme, mais ce faisant, le gouffre s’ouvre sous les pas de la famille royale. De partenaire « idéale », la jeune femme deviendra rapidement une paria, d’autant plus qu’après la naissance de son deuxième enfant, le « devoir » conjugal sera accompli et la succession sera assurée.
Si le personnage du prince Charles, justement, jouissait d’une profondeur certaine dans la précédente saison, notamment avec un important questionnement sur son existence, son destin comme roi d’Angleterre, et sa capacité de s’accomplir au sein du cadre plus que rigide de la monarchie, il est ici, dans cette quatrième saison, dépeint comme un mari extrêmement jaloux – qui n’hésite pourtant pas à lui-même aller voir ailleurs sans jamais s’en cacher –, en plus d’être soupe au lait, caractériel et complètement unidimensionnel.
Idem pour Margaret, la soeur de la reine, ou Anne, la fille d’Elizabeth II, qui n’ont droit environ qu’à un épisode chacune sur les 10 que compte la saison. On aurait pourtant espéré pouvoir mieux analyser la psyché de ces gens si près, mais aussi si loin du pouvoir, et dont la personnalité a été profondément affectée par les décisions de la reine, sur lesquelles elles n’ont aucun contrôle.
On aurait, en fait, souhaité que la saison compte une vingtaine d’épisodes, plutôt qu’une dizaine. Car avec tout cela, mais aussi avec Margaret Thatcher, les attentats de l’IRA et, tout simplement, les turbulences qui ont ébranlé la planète pendant les années 1980, les scénaristes auraient disposé d’amplement de matériel.
Quant à Gillian Anderson, dans le rôle de la Dame de Fer, elle passe près d’éclipser la reine elle-même, jouée tout en justesse et en grâce par l’irremplaçable Olivia Colman. Butée, manipulatrice, têtue (et le mot est faible), la Thatcher d’Anderson est profondément détestable, d’autant plus qu’elle ne semble jamais prendre la peine de dissimuler ses motivations derrière de faux prétextes. On regrettera, peut-être, la juxtaposition de certains événements, notamment la disparition de son fils lors d’un rallye automobile, et le déclenchement de la Guerre des Malouines/Falkland, pour accroître le côté dramatique de la situation, alors que plusieurs mois ont en fait séparé ces deux drames.
Autrement, Gillian Anderson confirme son statut de grande actrice.
Le problème, avec cette quatrième saison de The Crown, donc, c’est que la surcharge scénaristique fait en sorte que l’on obtient certains personnages unidimensionnels qui perdent toute la superbe qu’ils avaient accumulée au cours des précédentes saisons.
Ce que cette quatrième déclinaison des aventures de la famille royale britannique souligne, cependant, c’est à quel point la monarchie est une institution non seulement inutile et coûteuse, mais l’équivalent d’une sangsue économique, politique et sociale qui gangrène l’ensemble de la société. Tous ces gens malheureux qui n’ont aucune autre utilité que de siphonner les fonds publics et de s’accrocher à un pouvoir factice… Il y a souvent bien peu de choses comme une série dramatique sur la monarchie pour favoriser l’idée d’une démocratie pleine et entière dans les pays encore dirigés par un souverain!
Qu’on nous présente une série politique dramatique, tiens, sur la même période écoulée dans cette quatrième saison de The Crown…