La mort et le suicide sont des sujets habituellement sombres et lourds, mais Talhí et Karina Briones réussissent à en parler sur un ton léger, avec la bande dessinée Emmanuel veut juste en finir.
Bien qu’il ne soit qu’un jeune homme avec toute la vie devant lui, Emmanuel est obsédé par des pensées suicidaires. Il va même jusqu’à monter sur le toit d’un immeuble avec la ferme intention de se jeter dans le vide, mais change d’avis à la dernière minute.
Après avoir consommé une drogue achetée chez un revendeur louche, il se met à apercevoir d’étranges créatures, qu’il semble être le seul à voir. Contrairement à bon nombre d’humains souffrant de mal-être, ces entités appelées Ghells ne veulent pas mourir, mais pour ce faire, elles doivent trouver des corps afin d’en prendre possession.
Comme ils s’estompent peu à peu jusqu’à disparaître complètement, les Ghells demandent l’aide d’Emmanuel pour trouver rapidement des enveloppes corporelles dans lesquelles se réfugier. Ce dernier accepte de leur prêter main forte, et commence à fréquenter les lieux où les accidents sont fréquents et les hôpitaux, à la recherche de cadavres frais de préférences et pas trop abîmés. Côtoyer ainsi la mort à longueur de journée lui redonnera-t-il goût de vivre?
Emmanuel veut juste en finir exploite assez mal une prémisse qui aurait pu être intéressante, en présentant un récit somme toute superficiel et peuplé de personnages unidimensionnels. Quelles sont par exemple les motivations du protagoniste pour mettre fin à ses jours? La bande dessinée n’en parle pas, et n’explique surtout jamais d’où viennent les Ghells, quelle est leur nature, pourquoi ils doivent rapidement se trouver des corps au risque de disparaître complètement, ni la raison pour laquelle Emmanuel est la seule personne à voir ces entités de l’au-delà. Bien que le récit propose une morale positive, où un jeune homme déprimé finira par apprécier le monde des vivants, le ton badin du scénario, qui aborde pourtant des sujets très sérieux, semble s’adresser principalement aux adolescents, et cette histoire peu élaborée contenant très peu de texte, se lit en à peine une trentaine de minutes, ce qui laissera plusieurs lecteurs sur leur faim.
En art, tout est évidemment une question de goût personnel, mais je n’ai pas été impressionné par les images très stylisées et simplistes d’Emmanuel veut juste en finir, où les dessins aux trait gras ne disposent pas de beaucoup de détails, et semblent esquisser le contour des personnages et des objets, mais pas leur texture, ni leur profondeur, ce qui leur donne l’impression de manquer de relief et d’être posé à plat sur les planches. Imprimées sur des pages noires en papier glacé de bonne qualité, les illustrations qu’on retrouve dans l’album présentent un monde majoritairement monochrome, où les rares touches de couleur, comme la boîte de pilules jaunes, les Ghells verts, oranges, mauves, ou turquoises, ou les yeux des personnes, qui prennent la couleur de l’esprit les possédant, se détachent, éclatantes. Malgré tout, l’album revêt malheureusement l’aspect d’un projet étudiant.
Cette bande dessinée un peu brouillonne de Talhí et Karina Briones ne vise manifestement pas le grand public, mais si vous connaissez un adolescent morose et déprimé, la lecture d’Emmanuel veut juste en finir lui permettra peut-être de renouer avec le plaisir de vivre, et d’apprécier l’existence à sa juste valeur.
Emmanuel veut juste en finir, de Talhí et Karina Briones. Publié aux éditions Glénat Québec, 84 pages.