Quatre amis veulent changer le monde. Le hic? Ils travaillent dans une entreprise qui produit des aliments pour bébés. Cela ne les empêchera pas de tout donner pour essayer, dans le cadre de Fairfly, une pièce présentée en webdiffusion par La Licorne et la compagnie La Manufacture.
Adaptée de l’oeuvre du même nom du dramaturge catalan Joan Yago Garcia, dans une traduction d’Elisabet Rafols et de Maryse Warda, et dans une mise en scène de Ricard Soler Mallol, la pièce représente un bon mélange des conditions économiques des temps modernes: le manque de stabilité des emplois salariés conventionnels, le mirage d’une vie entrepreneuriale, et l’énorme pression exercée par les grands joueurs des divers secteurs économiques.
Nos quatre amis vont ainsi décider de se lancer dans la production d’aliments fabriqués à base de larves de mouches, une idée peu appétissante, certes, mais qui finit par rapporter gros, voire même provoquer une « révolution insectivore » au Québec.
Bien entendu, qui dit diffusion en ligne (pour les raisons que l’on sait), dit changements nécessaires à la scénographie afin de rendre le tout relativement dynamique. Si le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) avait ainsi choisi une caméra fixe pour présenter Zebrina, à la mi-septembre, cette fois, on s’appuie sur des caméras dynamiques suivant les quatre comédiens sur scène. On se retrouve alors bien davantage dans une perspective télévisuelle ou cinématographique que dans un environnement théâtral, ce qui convient bien, en fait, au ton et au rythme de l’oeuvre.
Cette dernière, avec ses sauts en avant dans le temps et ses accélérations scénaristiques, catapulte en effet le spectateur toujours plus loin dans l’avenir, en contournant notamment certains moments clés ou en sautant la fin en apparence difficiles, pour les personnages, de diverses scènes. L’idée, qui commence par surprendre, réussit rapidement à séduire le public – ce journaliste, en l’occurence.
Ce qui coince, pourtant, dans Fairfly, ce n’est pas le jeu des quatre comédiens, qui offrent tous une très bonne performance, mais plutôt cette impression que la réflexion n’est pas assez poussée à propos des impondérables de la vie de travailleur. Le scénario n’offre malheureusement aucun revirement surprenant, et on peut largement voir venir la fin, ou du moins une bonne partie de la fin, avant que celle-ci ne se dessine réellement sur scène. Peu ou pas d’exploration des enjeux de société, donc, mais néanmoins un divertissement sympathique sans impair sur le plan technique.
Fairfly, de Joan Yago Garcia, mise en scène de Ricard Soler Mallol, avec Mikhaïl Ahooja, Sonia Cordeau, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande. Une production de La Manufacture. Jusqu’au 12 décembre.