Avez-vous déjà monté votre sapin et installé vos décorations de Noël? Sans grande surprise, comme une bonne partie des produits de consommation courante aussi faciles à acheter qu’à remplacer, les boules, guirlandes et autres cossins festifs du temps des Fêtes sont faits en Chine. Le documentaire Merry Christmas, Yiwu, de Mladen Kovacevic, présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), lève le voile sur ce drôle d’univers.
Des usines. Partout, de grands bâtiments en béton, aux murs nus, et une armée de travailleurs qui peignent, décorent et construisent éternellement des décorations de Noël. Et leur quotidien, capté par la caméra patiente et discrète de Kovacevic, correspond en tout point au quotidien que l’on imagine pour des employés d’usines peu prestigieuses en Chine: du bruit, des pièces un peu crasseuses, des logements à l’avenant, quand les travailleurs ne dorment pas plutôt dans des dortoirs encore plus déprimants, petits et sales.
Cette vie quotidienne à Yivu, ou Yiwu, en anglais, personne ne l’envie. Ou personne ne devrait l’envier, plutôt. Les protagonistes portent des vêtements sales ou déchirés, mangent une nourriture peu appétissante, et la seule porte de sortie semble être ce téléphone intelligent que tout le monde possède, et grâce auquel ils communiquent avec le monde extérieur, que ce soit pour le travail ou pour tenter de fuir cet univers fait de parpaings et de bidules en plastiques qui se retrouveront chez Dollarama.
Et sur ces téléphones, on retrouve une autre touche tout à fait chinoise: des programmes de divertissement, numéros dansants inclus, où l’on vante l’unité et la gloire de la nation. Un peu comme si vendre des boules de Noël en plastique à l’Occident permettait de mener à bien la révolution du Parti communiste. Quelle image que de voir ces travailleurs, abrutis par des tâches répétitives et ennuyantes, être soumis à de la propagande étatique afin de leur retirer toute envie de révolte…
Quoi qu’il en soit, ces gens sont de vrais gens, avec leurs rêves, leur bonheur fuyant, leurs factures à payer, leur épicerie à faire, leurs amours et leurs peines. Des gens qui rêvent d’un monde meilleur, de quitter une ville cubique, grise et morne pour… quelque chose d’autre? Que veulent-ils, sinon la même chose que nous? Un travail pas trop ennuyant ou éreintant qui paie suffisamment, un toit au-dessus de leur tête, et quelqu’un auprès de qui s’endormir, le soir venu?
Il n’y donc rien de transcendant dans ce Merry Christmas, Yiwu. Simplement le constat que derrière chaque objet qui est acheté et consommé ici, il y a un travailleur qui fait tourner une machine, quelque part dans le monde. Et une personne qui a conçu cette machine, ou encore qui devra éventuellement l’entretenir et la réparer. Kovacevic propose ici un film qui remet les idées en place, et qui fait prendre conscience du côté très humain de la machine inhumaine qu’est le grand capitalisme mondial. À voir.