Des normes un peu moins serrées pour les constructeurs d’immeubles, mais toujours cette volonté de « préserver l’équilibre » et ainsi permettre aux Montréalais de continuer d’acheter et de louer des logements dans la métropole, et ce à des prix raisonnables: l’administration Plante a dévoilé jeudi la nouvelle mouture de son Règlement pour une métropole mixte. L’annonce a fait réagir autant du côté des organismes communautaires que de la classe politique, sans oublier le milieu économique.
Critiquée pour sa première approche, qui imposait notamment des normes, sur l’ensemble du territoire montréalais, en matière de construction de logements abordables, familiaux et sociaux, la Ville fait quelque peu marche arrière, notamment pour les logements abordables.
De fait, plutôt que de viser l’ensemble du territoire, les nouvelles dispositions ne s’appliqueront que « dans les secteurs ciblés visés par une densification » en vertu du Plan d’urbanisme. Pour l’instant, seules deux zones sont visées, mais d’autres s’ajouteront, précise l’administration Plante.
Autre changement d’importance, les logements abordables n’auront plus nécessairement besoin d’être réalisés directement sur le site des nouvelles constructions, mais « dans un périmètre de 2 km ». Les développeurs immobiliers auront ainsi l’option de céder des logements abordables à un organisme sans but lucratif, qui les mettra ensuite à la disposition des clientèles vulnérables.
Au dire de l’administration Plante, la pandémie est venue exacerber une situation déjà difficile pour de nombreux ménages montréalais. Ainsi, quelque 150 000 ménages, soit le tiers des familles de la métropole, consacrent plus de 30% de leur revenu pour se loger, soit le seuil maximal au-delà duquel Statistique Canada évoque notamment une situation de crise immobilière.
Pire encore, 85 000 ménages locataires paient plus de 50% de leur revenu pour avoir un toit au-dessus de leur tête, « une situation qui exerce une pression inacceptable sur leur capacité de subvenir à leurs autres besoins, en santé et en alimentation notamment ».
« Durant les cinq dernières années, les prix médians des plex (des immeubles à deux logements et plus) et des copropriétés ont augmenté de 43% dans l’ensemble de la ville et encore plus dans les quartiers centraux », peut-on lire dans le rapport décrivant la nouvelle politique immobilière de Montréal.
La mairesse Valérie Plante se dit « heureuse de présenter un règlement bonifié », après que des consultations publiques menées par l’Office de consultation publique de Montréal eurent débouché sur une série de recommandations.
Un geste bien vu par le milieu communautaire
L’annonce de la Ville a été bien accueillie à gauche, notamment par l’UTILE, l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant.
Dans une réaction transmise par voie de communiqué, l’organisme dit souligner deux améliorations, soit « l’abordabilité mieux définie et plus pérenne et le fait qu’on y encourage les partenariats entre promoteurs privés et OBNL pour la réalisation d’unités locatives à but non lucratif ».
« Beaucoup d’acteurs se sont entendus pour dire que le volet abordable de la précédente mouture du règlement était faible. Ce nouveau règlement offre des solutions pertinentes, surtout en inscrivant l’abordabilité dans la durée. Nous espérons que sa mise en oeuvre et les fonds qui seront dégagés grâce au règlement permettront à la ville d’appuyer la réalisation de projets innovants de logement à but non lucratif », affirme ainsi Laurent Levesque, co-fondateur et directeur général de l’UTILE.
De son côté, le porte-parole de Québec solidaire en matière de logement, Andrés Fontecilla, évoque carrément « une bouffée d’air frais ».
« L’administration montréalaise a fait preuve d’audace dans son nouveau règlement pour une métropole mixte, et je tiens à le saluer. Depuis cinq ans, les prix des logements ont doublé dans les quartiers centraux de Montréal. Il était plus que temps de prendre le taureau par les cornes et de donner une vraie bouffée d’air aux familles montréalaise. C’est ce qu’a fait l’administration Plante en osant se tenir debout face aux développeurs immobiliers qui tentent de torpiller ces mesures pour la mixité sociale », se réjouit le député de Laurier-Dorion.
Des bâtons dans les roues?
Tous ne sont cependant pas du même avis: aux yeux de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), « Montréal se désavantage » en appliquant sa politique « dès avril 2021 ».
L’organisation affirme que les nouvelles normes « augmenteront les prix des logements neufs de manière générale ».
« En pleine pandémie, alors qu’il faut se soucier de la reprise économique, l’industrie aurait souhaité que la Ville renonce à aller de l’avant ou s’accorde un délai de transition beaucoup plus long pour continuer d’explorer d’autres avenues et arriver à ses fins sans créer ce biais défavorable au marché immobilier montréalais », indique François Bernier, vice-président principal Affaires publiques à l’APCHQ, par voie de communiqué. Il ajoute que « la Ville peut cependant continuer de compter sur l’industrie dans cette recherche de solutions ».
M. Bernier soutient aussi que « Montréal n’a pas fait preuve de neutralité » dans ce dossier.
Même sentiment, ou presque, chez la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), qui affirme « soutenir l’objectif d’assurer l’abordabilité du logement » dans la métropole, mais pour qui le règlement municipal est « susceptible de limiter l’offre pour ce type de logement ».
« Nous constatons toutefois que le Règlement, dans sa nouvelle mouture, demeure très complexe et qu’il continue de créer un poids financier additionnel pour les promoteurs et développeurs immobiliers. Cela pourrait les inciter à investir dans des projets sur des territoires à l’extérieur de la zone d’application du Règlement. Il pourrait également avoir comme effet indirect de hausser le coût des autres unités qui seront construites, réduisant leur accessibilité pour les acheteurs qui ne se qualifient pas pour acheter les logements abordables », a déclaré Michel Leblanc, président de la Chambre.
Celui-ci a ajouté que son organisation « prendra le temps de consulter les promoteurs et les développeurs avant de commenter davantage ».
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