Défié par certains, nié par d’autres, le consensus scientifique demeure le rempart collectif pour contrer la désinformation et répondre aux sceptiques et complotistes. En parler est dans l’air du temps en raison de la COVID-19 et de la litanie d’opinions relayées dans les médias: les uns déplorent l’absence de ce consensus tandis que les autres l’invoquent pour expliquer la situation. Le Détecteur de rumeurs propose de remettre les pendules à l’heure.
Consensus n’est pas unanimité
Les scientifiques ne travaillent pas en vase clos. Ils publient leurs recherches dans des revues scientifiques révisées par des pairs et acceptent, par le fait même, que leurs travaux soient lus, commentés et parfois réfutés. C’est grâce au cumul des études scientifiques publiées sur un sujet donné que des consensus scientifiques s’établissent : quand la majorité pointent dans un direction, on un consensus se forme. C’est pourquoi, même si nous ne pouvons pas atteindre la vérité absolue, le consensus scientifique est le meilleur indicateur de vérité que nous ayons.
Puisque l’unanimité n’est pas obligatoire pour proclamer l’existence d’un consensus scientifique autour d’un enjeu, quelle proportion de scientifiques doit partager le même avis pour mériter l’appellation?
La controverse entourant le rôle de l’être humain dans le réchauffement climatique nous a offert une partie de réponse à cette question.
En 2004, Naomi Oreskes, une historienne des sciences de l’Université Harvard, a examiné les publications de spécialistes du climat parues entre 1993 et 2003 dans 928 revues scientifiques, pour conclure que 97% des auteurs confirmaient l’impact de l’activité humaine dans le réchauffement climatique. En montrant l’importance du degré de consensus (97%) autour de cette question, elle a affirmé la primauté des résultats des travaux issus de la communauté scientifique sur ceux des autres sources (industrie, organisations diverses).
Notons cependant que ce seuil de 97% n’a été calculé que pour la recherche sur le climat.
Scientifiques experts
La légitimité des personnes qui se prononcent sur le dossier est aussi un indicateur du consensus scientifique. Ainsi, Naomi Oreskes, tout comme d’autres qui se sont livrés à un exercice similaire par la suite, n’ont retenu pour leurs compilations que des recherches effectuées par des experts du climat.
« Il faut présenter des scientifiques du domaine ciblé, et reconnus par leurs pairs. Les médias ont aussi un rôle important à jouer, mais ils ne le jouent pas toujours », déplore Yves Gingras, historien, sociologue des sciences et directeur scientifique de l’Observatoire des sciences et des technologies de l’UQAM.
Pour preuve, la visibilité médiatique obtenue il y a quelques années par le ministre français Claude Allègre, présenté comme un scientifique du CNRS, qui niait l’existence même du réchauffement climatique. Le hic, il est géologue et non physicien ou climatologue.
De la même façon, les climatosceptiques aiment bien brandir des « lettres » signées par plusieurs scientifiques qui nient le réchauffement climatique. Or, il s’agit chaque fois de signataires qui n’appartiennent pas au domaine ciblé. Par ailleurs, une lettre d’opinion n’aura jamais la même valeur qu’une série d’études.
Les consensus sur la COVID-19
Il y a des consensus autour de la COVID-19 : les scientifiques disent tous qu’il s’agit d’un adénovirus, certaines de ses propriétés ont été dûment identifiées, il a telle forme, il est contagieux et létal. C’est ce que la science nous dit aujourd’hui. Mais des questions demeurent pour l’instant sans réponse; par exemple, comment cette infection arrive-t-elle à provoquer autant de dommages chez certains patients; quel est le niveau exact de risque dans un lieu mal ventilé par rapport à un lieu bien ventilé; quel est le pourcentage exact de gens sans symptômes; quelle efficacité aurait un éventuel vaccin.
« Et comme les humains ont horreur du vide, il leur faut des réponses… et ils en trouvent, peu importe lesquelles et peu importe où », souligne Yves Gingras. C’est de là que viennent les manifestations de certains groupes anti-masque, anti-vaccination et la prolifération de diverses théories du complot entourant la pandémie.
C’est sans compter ceux qui rejettent la science pour des raisons idéologiques et qui brandissent le fait que des scientifiques aient pu émettre une hypothèse au printemps pour la rejeter à l’automne. « C’est pourtant le propre de la science que de refaire les expériences, de mesurer autrement à partir d’un autre modèle, avec des outils plus performants et d’autres approches, et d’arriver à de nouveaux résultats », rappelle Yves Gingras. Et c’est misant sur cette démarche scientifique que d’autres consensus se formeront sur la COVID-19 dans les mois à venir.
Abonnez-vous à l’infolettre!
La plus grande extinction de l’histoire… et l’apparition des animaux au sang chaud