La relation particulière entre les femmes et la guerre est immémoriale: qu’elles soient participantes involontaires, victimes, femmes, filles ou mères de soldats, impossible d’échapper au chaos et à la mort. Bad Roads, présenté dans le cadre de l’édition 2020 du Festival du nouveau cinéma (FNC), ne fait pas exception à la règle, avec quatre séquences éprouvantes touchant parfois à l’horreur.
Adapté de la pièce de théâtre du même nom et réalisé par Natalia Vorozhbyt, Bad Roads raconte cette guerre larvée d’Ukraine qu’on ne voit plus vraiment ici, soit cette guerre endormie, qui sera parfois secouée par des sursauts violents, mais qui est largement confinée aux conséquences de toute guerre: la misère, la peur, le désespoir, les abus.
De scène en scène, avec des séquences qui durent bien souvent 20 minutes, voire plus, on découvre donc cette existence largement ennuyante, ou plutôt ordinaire pour les protagonistes, mais qui peut soudainement devenir particulièrement dangereuse, sans crier gare. Comme cet homme clairement sous l’influence de l’alcool qui a pris le mauvais passeport, supposément celui de sa femme, pour franchir un point de contrôle gardé par des soldats qui n’entendent pas à rire. Ou ces adolescentes qui, coincées dans une ville près du front, s’amourachent de soldats qui s’en iront au casse-pipe, inéluctablement.

Cependant, la scène la plus étrange, mais aussi la plus longue et la plus insoutenable, est indubitablement celle où une jeune femme, entraînée dans un ancien centre de soins pour la peau, passe près d’être violée par un soldat. Elle sera plutôt battue, humiliée et insultée, en plus de devoir dormir dans des conditions insupportables. Et les scènes de violence sont si réalistes qu’on est tentés de croire qu’elles sont bien réelles. Ce qui, en soit, ferait de Bad Roads quelque chose s’approchant du snuff movie.
Mais malgré toute cette violence, supposée et carrément montrée à l’écran, malgré tous les messages que le scénario en quatre temps semble vouloir transmettre, l’impact de Bad Roads s’essouffle pour une raison fort simple: le film est trop long. Pendant 1h45, chaque scène s’étire indûment, dépassant le point où elle cesse d’accrocher le cinéphile pour plutôt commencer à l’ennuyer. Et cela est particulièrement vrai lors de la scène où une femme tente de négocier le remboursement d’une poule qu’elle vient d’écraser avec sa voiture. On comprend que la cinéaste a voulu raconter la misère des paysans, mais aussi leur absence de scrupules lorsque vient le temps de chercher à gagner quelques sous supplémentaires; pourtant, fallait-il étirer la chose pendant presque 30 minutes? C’est avec de telles longueurs que l’on rappelle que tout cela a débuté sous la forme d’une pièce de théâtre.
Il est bien dommage que Bad Roads semble ainsi manquer de souffle. Il y aurait pourtant tant à dire sur un pays à la croisée des chemins, entre attachement au passé et l’espoir d’un avenir, le regard tourné vers l’ouest.
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait: savoir s’arrêter