Un effort coordonné sur Twitter visant à influencer l’élection présidentielle américaine du 3 novembre, en utilisant des trolls et des comptes disposant d’une très forte visibilité, a pour but de semer la discorde, exacerber les divisions politique et saper la confiance envers la démocratie américaine, selon une nouvelle étude de la RAND Corportation. Et ce pourrait bien être le Kremlin qui est derrière tout cela.
Si les chercheurs ne peuvent pas affirmer, sans se tromper, qu’un acteur spécifique est directement responsable de ces tentatives d’interférence électorale, les tactiques observées sur Twitter ressemblent fortement à la stratégie russe consistant à alimenter les tensions partisanes pour créer un sentiment de désunion au sein des électeurs américains, ce qui favoriserait également les intérêts russes.
« Les médias sociaux ont fait en sorte qu’il est moins cher, et plus facile, pour les acteurs étrangers d’organiser des attaques de plus en plus sophistiquées contre notre démocratie et notre discours politique », affirme William Marcellino, le principal auteur de l’étude et un chercheur au sein de la RAND Corporation, un groupe de recherche non partisan. « Plusieurs Américains sont impliqués dans des conversations en ligne qui ont été artificiellement encadrées, et cela leur donne une vision distordue du monde. »
La plus récente étude de la RAND – il s’agit du deuxième rapport d’une série de quatre – s’appuie sur des outils logiciels pour analyser une vaste banque de données comptant 2,2 millions de tweets produits par 630 391 comptes Twitter uniques, et qui ont été recueillis entre le 1er janvier et le 6 mai de cette année. L’analyse en question révèle que les comptes de trolls et ceux particulièrement visibles sont très largement représentés dans certaines communautés Twitter engagées dans des conversations politiques à propos de la présidentielle.
La communauté favorable à Donald Trump comptait la plus forte proportion de ces deux types de comptes; les trolls dans cette communauté étaient particulièrement partisans du président, en plus de partager du contenu des complotistes liés à la mouvance QAnon, ainsi que d’autres contenus en faveur de la candidature du bouillant milliardaire.
Dans la communauté pro-Biden, cependant, qui comptait aussi une très forte proportion de trolls et de comptes très connectés, les trolls étaient anti-Biden, et critiquaient soit M. Biden, soit son ancien adversaire Bernie Sanders.
Cette activité orchestrée pourrait avoir fait pencher la balance en faveur de Donald Trump, ou nuit à la candidature de Joe Biden, selon l’étude. Viser les deux côtés du spectre politique est aussi une stratégie qui correspond aux précédentes démarches de la Russie pour effectuer de l’ingérence dans les élections américaines.
Correctifs à apporter
Les chercheurs encouragent les réseaux sociaux à adapter et adopter de nouvelles méthodes pour détecter des tentatives d’ingérence électorale, y compris en combinant des analyses réseau et l’apprentissage machine, deux techniques employées par la RAND Corporation dans ses travaux.
« Les nouvelles technologies ont peut-être facilité la tâche des acteurs étrangers lorsque vient le temps de tenter d’influencer une élection, mais les innovations technologiques peuvent également aider à les combattre », affirme M. Marcellino. « Nous avons détecté de l’interférence lors de précédentes élections, mais nous avions colmaté les fuites trop tardivement, soit après les élections. Notre étude démontre qu’il est possible de détecter et de réagir à ces tentatives avant le jour du vote. »
Les chercheurs recommandent aussi de publiciser largement les risques d’interférence étrangère dans les élections, et ce sur de nombreuses plateformes, pour que les Américains soient au courant de ces tentatives visant à nuire à leur appui envers la démocratie.