Il y a quelque chose de dérangeant à voir Spiderman tuer des gens avec un pistolet allemand de la Deuxième Guerre mondiale; bon, bien entendu, ce n’est pas exactement cela qui survient dans The Devil All The Time, un drame coscénarisé et réalisé par Antonio Campos, et mettant en vedette Tom Holland, justement l’acteur des films Spiderman au sein de l’écurie Marvel. Néanmoins, cette impression d’étrangeté persiste.
Étrange film, oui, que ce long-métrage se déroulant dans le sud-est des États-Unis, quelque part entre l’Ohio et la Virginie-Occidentale, dans ce pays des mineurs et, surtout, des chrétiens purs et durs. De retour de la guerre dans le Pacifique, Willard Russell traîne avec lui l’image horrifiante d’un compagnon d’armes écorché vif et laissé pour mort par les Japonais. Forcé d’abattre l’homme en question, qui était installé sur une croix de fortune, Willard construira une image dichotomique de Dieu, qu’il conçoit à la fois comme une créature capable du pire comme de la rédemption et du salut.
Installé dans la région qui l’a vu grandir, il aura un fils avec une serveuse de restaurant rencontrée à son retour au pays. À partir de là, cependant, la nature maléfique du film se fait jour. Car Campos décrit un monde à la fois connu et dissimulé, tenu secret dans les recoins de ces petites routes de campagne bordées de vieilles maisons en décrépitudes et d’églises semblant aussi néfastes que salvatrices.
Un monde où le Bien est rarement récompensé, mais où le Mal est malgré tout fréquemment puni. Un monde, bref, où personne ne semble survivre suffisamment longtemps en ayant des intentions pures, et où la pourriture morale et psychologique gagne peu à peu du terrain, y compris chez notre héros, Arvin, dont l’existence est partagée à l’écran entre sa jeunesse et le début de son âge adulte, où il est justement interprété par Tom Holland.
On se retrouve donc avec un mélange de preachers libidineux et cruels, de prédicateurs fous, de policiers véreux et d’Américains supposément moyens qui ne pensent qu’à multiplier les meurtres en série, en bons psychopathes qu’ils sont.
Le tout a des allures de melting-pot où les influences se mélangent et s’entrechoquent pour se fondre en un maelström de cruauté et d’injustice.
Et c’est peut-être là que le bât blesse: si The Devil All The Time est bien tourné, si les acteurs sont bons, si l’atmosphère écrasante est bien rendue, on semble trouver que les méchants sont soit trop cruels, trop cliché, soit ils ne sont justement pas assez terrifiants, mais en deviennent plutôt pratiquement rigolos. On peut certainement accepter que cette cruauté et ce désir de faire mal soient largement répandus dans une population pauvre forcée de choisir entre un exil souvent impossible et une religion recouvrant l’ensemble de la société d’une pesante cape de plomb, mais il semble manquer quelque chose à ce film pour qu’on en retire une véritable satisfaction.