Qu’est-ce qu’un pont, au juste? Pour la dizaine d’auteurs réunis dans la rédaction de Ponts, un recueil de nouvelles publié aux Éditions Druide, l’objet va au-delà de la « simple » structure physique pour adopter une tout autre signification.
Sous la direction de Chrystine Brouillet, qui y signe aussi un texte, 12 auteurs vont donc mettre en scène un pont, petit ou grand, important ou banal, dans des nouvelles au style libre, et à la prose parfois encore plus libérée. Sous leur plume, ces ponts deviennent grandioses ou chétifs, merveilleux ou maudits, symbole d’espoir ou de détresse.
Il y a lieu de se demander, d’ailleurs, si les auteurs ne se sont pas concertés, ou s’ils n’ont pas besoin de se changer les idées: sous leur plume, on meurt en grand nombre, sur ces ponts, ou plutôt en se jetant du bas de leur tablier. Que ce soit par amour, par désespoir, par un malheureux hasard ou par la force des choses, ces ponts pourraient pratiquement être qualifiés de tueurs en série.
C’est peut-être là, d’ailleurs, que le bât blesse, bien honnêtement. Mme Brouillet a beau reconnaître qu’il est généralement question de mort, dans les textes réunis sous sa direction, puisque la plupart des collaborateurs oeuvrent déjà dans le polar, il y a peut-être une distinction à établir entre la mort comme outil narratif et ce groupe de gens qui ont décidé d’en finir avec la vie et de suicident près d’un pont ou en se jetant tout en bas, dans les eaux sombres.
On a en effet bien souvent l’impression que les ponts figurent dans ces nouvelles par obligation, et non pas parce qu’il y jouent un rôle important, si l’on peut s’exprimer ainsi. Peut-être s’agit-il de l’inconvénient des recueils de nouvelles avec des thèmes imposés. Que ce soit sous la forme d’un endroit spécifique où se produit un meurtre, ou simplement un lieu devant figurer dans le texte, comme c’est le cas ici, on semble se priver d’une certaine liberté que l’intérêt de l’exercice imposé ne parvient pas à contrer totalement.
Il ne faut toutefois pas s’imaginer que tout est beau à jeter, dans ce recueil – bien au contraire. Les textes de Tristan Malavoy, de Mme Brouillet et de Marie-Ève Sévigny, notamment, sont franchement excellents. Tout comme l’est la nouvelle, un peu bizarrement présentée en anglais et en français, de R. J. Ellory.
Simplement, on termine notre lecture de Ponts avec un appétit qui n’a pas vraiment été comblé. Comme si, en quelque sorte, le pont ne débouchait sur rien. Ou peut-être sur un morbide boulevard de banlieue, loin de l’attrait de la ville.
Ponts, recueil de nouvelles sous la direction de Chrystine Brouillet. Publié aux Éditions Druide, 237 pages.