On a peut-être tendance à l’oublier, près d’une dizaine d’années après son éclatement, et alors que la planète est submergée par la pandémie de COVID-19, mais la Syrie est toujours à feu et à sang, à la suite des manifestations d’abord pacifiques découlant du Printemps arabe. Avec le poignant documentaire Loin de Bachar, le réalisateur Pascal Sanchez permet d’explorer le quotidien d’une famille ayant trouvé refuge au Canada, mais dont le coeur est toujours en Syrie.
Père de quatre enfants, Adnan al-Mhamied a dû fuir la Syrie après avoir protesté contre le régime du dictateur sanguinaire Bachar al-Assad. Son militantisme pro-démocratie lui a d’ailleurs valu au moins un passage dans les geôles du régime, où l’on devine qu’il a été brutalement battu et torturé.
En compagnie de son épouse, et bien entendu de ses filles et garçons, M. Al-Mhamied s’est installé à Montréal. S’agit-il de Montréal-Nord? De Ville Saint-Laurent? D’un autre endroit dans la métropole? Quoi qu’il en soit, il s’agit de l’un de ces logements de la classe ouvrière qui est peut-être à cent lieues de l’endroit où vivait cette famille en Syrie. Cela ne les a pas empêchés, en quelques années, de s’intégrer remarquablement bien à leur société d’accueil. L’épouse et les enfants parlent français, le mari a appris l’anglais… et il s’implique aussi dans divers organismes, à un point tel qu’on lui décerne un prix pour son travail auprès des autres réfugiés et des nouveaux arrivants.
Les enfants, eux, fréquentent l’école du coin, où l’on compte justement beaucoup de jeunes immigrants. Leur intégration, là aussi, semble bien se passer, même si l’on est en droit de s’interroger sur leur facilité à se lier aux autres. Ou si les autres, justement, font preuve de suffisamment d’ouverture pour s’assurer que les jeunes Syriens soient bien accueillis. On a beau fréquenter une école multiculturelle, après tout, les adolescents peuvent sans aucun doute y être aussi cruels que dans un autre établissement.
En un sens, Loin de Bachar est un documentaire « ordinaire »: pas de grands chambardements, pas de grands revirements scénaristiques… Simplement une famille de réfugiés qui vivent leur vie tranquillement, dans un pays épargné par la guerre. Cependant, avoir trouvé un abri au Canada ne veut pas dire que les proches demeurés là-bas sont oubliés. Et c’est là où le film prend tout son sens.
On assiste, ici et là, à des moments de grande tristesse, avec un plan de vue cadré presque trop serré, dans des moments particulièrement intimistes, où Adnan et son épouse évoquent l’horreur qu’ils ont quittée. C’est dans ces moments quasiment silencieux, où les regards perdus dans le lointain disent tout, que l’on découvre toute la profondeur et la délicate beauté du film de M. Sanchez.
Film doux, et parfois même doucereux, Loin de Bachar est un documentaire qui s’écoute tranquillement, avec une pensée pour ceux qui se trouvent toujours sous les bombes, de l’autre côté de la planète.
Le film est à l’affiche à la Cinémathèque québécoise dès vendredi.