Il aura fallu une explosion catastrophique, des milliers de blessés et près de 200 morts pour que le régime politique libanais, déjà largement sclérosé et affaibli par sa propre corruption et incompétence, mais aussi par d’importantes contestations et une grave crise économique, finisse par s’effondrer. Les Nations unies joignent ainsi leur voix à celles de divers acteurs politiques pour exiger rien de moins qu’un changement de paradigme majeur au pays des cèdres.
Dans une déclaration commune, en début de semaine, l’Organisation des nations unies (ONU), la Banque mondiale et l’Union européenne ont appelé à « une action résolue et des changements décisifs » pour transformer et reconstruire le Liban, dans la foulée de la nomination d’un nouveau premier ministre, en attendant de futures élections.
Selon les estimations préliminaires de cette évaluation, la double explosion dans la capitale libanaise a causé des dommages matériels de l’ordre de 3,8 à 4,6 milliards de dollars, tandis que les pertes, notamment les variations dans les flux économiques résultant de la baisse de la production des différents secteurs de l’économie, représentent entre 2,9 et 3,5 milliards de dollars. Les secteurs les plus gravement touchés sont le logement, les transports et le patrimoine culturel matériel et immatériel (dont les sites religieux et archéologiques, les monuments nationaux, les théâtres, les archives, les bibliothèques et autres monuments), mentionne-t-on sur le site web de l’ONU.
Toujours selon les trois organisations, un montant de « 605 à 760 millions de dollars » est nécessaire « dans l’immédiat », soit d’ici la fin de l’année. Pour 2021, les estimations évoquent plutôt le besoin d’injecter entre 1,2 et 1,5 milliard. Le secteur des transports est celui qui nécessite le plus d’investissements, pour l’instant, suivi de ceux de la culture et du logement, précise-t-on.
Un pays fragilisé
Avant même l’explosion qui a détruit le port de Beyrouth et fait quelque 300 000 sans abris dans la capitale libanaise, le pays souffrait de plusieurs graves problèmes, à la fois sociaux et économiques. Avec une décroissance économique de plus de 10% prévue pour l’année 2020, une crise économique et monétaire, ainsi qu’un défaut de paiement de la dette nationale, entre autres problèmes, le pays était au bord de l’éclatement.
D’aucuns prédisaient, en fait, le retour de la guerre civile en raison des tensions entre les divers groupes religieux, mais aussi politiques et sociaux. Et dans cette même perspective, l’exode des jeunes se poursuit, eux qui sont généralement confrontés à une absence d’opportunités sur le sol national.
Pire encore, quelque 45% de la population libanaise était déjà touchée par la pauvreté avant l’explosion catastrophique du début du mois d’août. Avec la destruction de quantité d’entreprises, cette proportion n’ira qu’en augmentant, prévoient les analystes des trois grands groupes.
« Selon les estimations, les besoins critiques de relèvement pour les trois prochains mois seulement représentent entre 35 et 40 millions de dollars, un montant qui devra servir à effectuer dans l’immédiat des transferts sociaux à grande échelle afin de répondre aux besoins fondamentaux des 90 000 personnes sinistrées, et de créer 15 000 emplois de courte durée. Ces estimations prennent également en compte la fourniture d’abris aux ménages déplacés, à faible revenu et à revenu moyen les plus vulnérables, ainsi que la réparation des logements des ménages à faible revenu légèrement ou partiellement endommagés. Quant aux besoins immédiats de logement, ils sont estimés entre 30 et 35 millions de dollars, alors que les besoins à court terme pour l’année 2021 se situent entre 190 et 230 millions de dollars », mentionnent encore l’ONU, la Banque mondiale et l’UE.