L’art du plan-séquence réussi en est un réservé à une poignée de réalisateurs audacieux. Avec son Crazy Samurai Musashi, le réalisateur Yuji Shimomura tente de repousser un peu plus loin les limites de cette technique, cette fois avec un long métrage de 90 minutes et des poussières, dont la quasi-totalité se déroule en une seule prise.
Présenté au festival Fantasia, le film comporte une intrigue tout aussi mince que son plan-séquence est long: un clan se prépare à se défendre contre Musashi, un samourai réputé invaincu, et dont les exploits sont si légendaires qu’il est maintenant considéré comme un véritable monstre, tuant tout (et tous) sur son passage.
Personnage historique, Miyamoto Musashi aurait remporté une soixantaine de duels entre la fin du 16e siècle et le milieu du 17e. Ici, l’acteur Tak Sakaguchi donne vie au combattant légendaire, après que les aventures de ce dernier eurent notamment été racontées dans la trilogie Samurai.
Le célèbre samuraï s’en prend donc à un clan, dont les deux derniers leaders ont déjà été décimés par ce même Musashi. Mais cette fois, près de 400 soldats issus du clan et autres mercenaires ont été rassemblés pour tenir tête à l’ennemi. Musashi sera-il repoussé, voire vaincu? Que nenni! Crazy Samurai Musashi ne serait pas un film digne de Fantasia si ce combattant quasiment démoniaque ne consacrait pas près de 90 minutes à combattre éventrer, égorger et généralement assassiner tous ces adversaires, les uns après les autres, dans une orgie de violence qui en devient presque contemplative.
Les amateurs de films d’action auront évidemment en tête la scène de combat d’Uma Thurman contre les Crazy 88 dans Kill Bill. Et si Tarantino avait magnifiquement manié la caméra, les couleurs et l’éclairage pour créer une séquence extraordinaire, la production, ici, tend beaucoup plus vers le réalisme, si tant est que cela est possible dans les circonstances.
Point de folichonneries en postproduction, en effet: la (très) longue scène de combat se déroule principalement en forêt, avec Musashi repoussant et trucidant ses ennemis les uns après les autres, en adoptant ultimement un rythme presque prévisible. Parade, riposte, coup mortel… tous est dans la précision, la chorégraphie, cette danse entre le tueur et ses proies.
Bien entendu, les ficelles sont quelque peu grossières, et le film présente à la fois son ambition et sa faiblesse dès les premières minutes du plan-séquence. L’ambition, d’abord, de faire se dérouler l’attaque pendant plus d’une heure, avec un personnage (et un acteur) qui fatigue, qui brûle son énergie, et qui semble visiblement épuisé lorsque la scène se termine enfin. La faiblesse est plutôt du côté du scénario: avec si peu de choses à se mettre sous la dent, on se demande franchement pourquoi on devrait écouter 90 minutes de combats entre Musashi et la chair à canon. D’autant plus que la valse est évidente: Musashi attaque, touche un adversaire, et celui-ci se replie hors cadre, en couvrant sa « blessure ». On retrouve aussi la manie de faire tourner les ennemis en rond autour du « méchant », mais sans jamais l’attaquer dans le dos.
Sans vouloir dénaturer la nature de l’oeuvre et interrompre le plan-séquence, il eut été plus intéressant d’obtenir un peu plus d’informations sur la motivation de Musashi. Que veut-il vraiment accomplir? Pourrait-il perdre la vie?
En un sens, Crazy Samurai Musashi est un film parfait pour Fantasia. Un film de genre, avec une structure sortant de l’ordinaire, et certainement un grand groupe d’amateurs qui chanteront les louanges du long-métrage. Mais bien honnêtement, on s’ennuie à regarder le personnage principal tuer des dizaines, voire des centaines de combattants envers lesquels on n’éprouve aucun attachement émotionnel. Il aurait mieux fallu peut-être réduire la durée de ce fameux plan-séquence et mettre de la chair autour de l’os cinématographique.