L’Allemagne n’a jamais vraiment été l’endroit rêvé pour y planter le décor d’un film de genre. Peut-être parce que les créations cinématographiques de ce pays européen n’ont que trop rarement réussi à traverser l’Atlantique? Ou peut-être parce qu’on s’imagine l’Allemagne trop propre, trop bien organisée, pour qu’on y trouve des personnages et des événements glauques et monstrueux? Qu’à cela ne tienne, Free Country, présenté dans le cadre du festival Fantasia, vient fort agréablement corriger la donne.
Se déroulant en 1992, dans ce qui était encore, jusqu’à tout récemment, l’Allemagne de l’Est, Free Country nous fait découvrir une Allemagne exsangue après 50 ans de règne communiste, mais aussi déjà désillusionnée à la suite de la réunification. Et c’est justement dans l’est du pays que devra se rendre Patrick Stein, un enquêteur venu de l’Ouest, pour faire la lumière sur la disparition de deux adolescentes.
Reprise de Marshland, qui avait particulièrement bien fonctionné en Espagne, pays de création du long-métrage, Free Country a été adapté aux réalités de l’Allemagne post-chute de l’URSS. En compagnie de Markus Bach, un policier au passé ensanglanté et brutal, Stein se heurte non seulement à la culture de violence, de brutalité et de secret d’un petit village, mais aussi à la chape de plomb que les autorités semblent encore faire peser sur une population pauvre qui rêve de jours meilleurs dans les villes riches de l’ex-République fédérale allemande.
Dans une atmosphère grise et pesante, dans un monde aux couleurs passées et délavées, Stein et Bach doivent affronter des ennemis bien réels, mais aussi leurs démons intérieurs. L’un fait ce travail un peu par obligation, l’esprit absent en raison du fait que sa femme va bientôt accoucher; l’autre a déjà travaillé pour la Stasi, et souffre clairement d’une maladie grave.
Tout cela se combine dans un film enlevant, dont on ignore la conclusion jusqu’à la toute fin, et qui est juste assez dérangeant pour intriguer le cinéphile, sans toutefois tomber dans l’excès. Bref, Free Country fait découvrir un monde qu’on aimerait volontiers continuer à explorer, une fois le générique terminé. La marque, à n’en pas douter, d’un bien bon film.