Sur un navire, avant d’entendre retentir la célèbre expression « En avant, toute ! », un autre ordre doit d’abord avoir été donné et c’est « Larguez les amarres! ». Larguez les amarres, ça peut aussi vouloir dire, abandonnez toutes attaches. Voilà ce qui semble avoir été le lot, le choix de Jean-Jacques Audubon, un célèbre naturaliste qui a passé la plus grande partie de sa vie à parcourir une grande partie du continent nord-américain pour tenter d’apaiser sa soif de découvertes.
C’est l’histoire de cet Audubon que Louis Hamelin nous raconte, ou nous rapporte c’est selon, dans Les crépuscules de la Yellowstone, paru récemment chez Boréal.
À partir de la ville de St-Louis, Missouri, centre névralgique des expéditions vers la conquête de l’Ouest durant la première moitié du 19e siècle, Audubon, son guide canadien-français et ses collègues, remonteront le Missouri sur fond sonore de chants d’oiseaux et de détonations de fusils de chasse.
À cette époque, le naturaliste apprenait la nature, mais la respectait peu. Pour pouvoir croquer les images de la multitude d’espèces d’oiseaux qui existaient encore, il les tuait avec son fusil. Il tentait ensuite de recréer des positions « naturelles » pour donner plus de vie à son œuvre picturale.
Les crépuscules de la Yellowstone est un ouvrage qui oscille entre le récit d’aventures, la biographie, le roman initiatique et le traité d’ornithologie. Bien sûr, les expéditions de Jean-Jacques Audubon n’étaient pas de tout repos et l’homme commençait à être usé au moment de son expédition vers la Yellowstone. Mais cela ne l’empêchait pas d’abandonner à répétition le foyer familial pour vivre sa passion. Voilà pour le récit d’aventures.
Puisant à même différents documents d’époque, l’auteur fait œuvre utile en retraçant une chronologie qui paraît plutôt fiable et qui nous aide comprendre Audubon et son époque : chasse aux bisons intensive, changement de mode vie des autochtones, racisme et impérialisme, sur fond de conquête de l’Ouest. Voilà pour la biographie.
De son côté, Hamelin se glisse lui-même dans le récit, à la poursuite de son sujet avec un espoir indéfini et en revient avec un désespoir un peu lourd à porter, sur fond de disparition des espèces et d’empire des VUS et des camionnettes. Voilà pour la quête, pour l’initiation.
Mais la joie de côtoyer les oiseaux, hier et aujourd’hui, transcende tout l’ouvrage. C’est par dizaines qu’Hamelin nous présente les oiseaux les plus chatoyants, les plus rares, ceux qui sont les meilleurs au goût, ceux qui chantent le mieux, ceux qui ont disparu, ceux qui nous voisinent encore. Voilà pour le traité d’ornithologie, voilà pour l’espoir.