Avec le peu d’informations dont disposent les experts, il est impossible de dire si le vaccin contre la COVID-19 annoncé mardi par le gouvernement russe est vraiment prometteur. Mais une chose semble faire consensus: s’engager sur cette voie aussi vite est une décision stupide.
« C’est plus que stupide », a réagi entre autres le virologue new-yorkais John Moore. « Poutine n’a pas de vaccin, il fait juste une déclaration politique. »
« C’est censé donner de la Russie l’image d’une grande puissance de la biotechnologie, mais à mon avis, ça fait l’opposé », renchérit dans la revue Science Translational Medicine le chroniqueur Derek Lowe. « Ça les montre comme étant désespérés, l’équivalent de promoteurs de compagnies à cinq sous. »
Ce qui choque et inquiète à la fois n’est pas juste le fait que les autorités de la santé russes soient devenues mardi les premières au monde à approuver un vaccin contre le coronavirus, en dépit du fait que celui-ci n’a même pas commencé ses tests de phase 3 —l’étape pourtant cruciale pour déterminer si un traitement fonctionne ou pas.
Ce qui choque et inquiète avant tout, c’est que si le vaccin échouait alors même que la Russie était engagée cet hiver dans cette campagne massive de vaccination, ou bien si des effets secondaires apparaissaient soudain à un niveau que les essais de phase 2 n’avaient pas pu détecter, c’est la confiance face à l’ensemble des vaccins qui risquerait d’en prendre un coup. « Les vaccins sont parmi les produits médicaux les plus sécuritaires du monde —mais seulement à cause de l’intense rigueur des essais cliniques qui testent leur sécurité et leur efficacité », résume le journaliste scientifique du New York Times, Carl Zimmer. Il n’est pas rare qu’un produit qui était « prometteur » lors des essais de phase 1 (sur une poignée de cobayes humains) ou de phase 2 (sur quelques dizaines ou quelques centaines) échoue aux essais de phase 3 (sur des milliers ou des dizaines de milliers de personnes) et ne soit du coup jamais commercialisé, rappelle la biostatisticienne Natalie Dean, pour qui il est « très peu probable que [la Russie] ait des données suffisantes sur l’efficacité du produit ».
Celui-ci, conçu par l’Institut de recherche Gamaleya en épidemiologie et microbiologie de Moscou, aurait été testé sur 76 patients, selon deux essais cliniques recensés sur le site ClinicalTrials. Rien n’a été publié jusqu’ici.
Une décision « imprudente et insensée », déclare à la revue Nature le généticien François Balloux. Un problème médical qui surgirait lors de cette campagne de vaccination « serait désastreux du point de vue de ses impacts sur la santé, mais aussi parce qu’il ferait reculer encore plus l’acceptation des vaccins dans la population ».
Derek Lowe ajoute quant à lui l’expression « nationalisme vaccinal », ce qui est « vraiment la dernière chose dont nous avons besoin en ce moment ».
Il y a actuellement à travers le monde environ 200 vaccins en développement, dont une trentaine ont atteint l’une des 3 phases des essais cliniques.
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