On revit avec un bonheur évident toute la fébrilité et la passion qui occupent tout l’espace du magnifique Les Misérables de Ladj Ly. Cela confirme sans mal l’importance de ce film qui, du jour au lendemain, a eu tout ce qu’il faut pour s’approprier le titre d’une des plus grandes œuvres du non moins grand Victor Hugo. Pour ceux qui n’auraient pas encore eu la chance de s’y coller, il est enfin disponible en DVD.
Faire un film choc ce n’est pas donné à tout le monde et la gratuité peut souvent être de mise. Ce n’est pas le cas du premier long-métrage de fiction de Ladj Ly, qui s’est inspiré sans mal de sa propre expérience pour en faire quelque chose de frontal et viscéral qui nous reste en tête longtemps. Sans nécessairement la plus grande subtilité et exhibant une flopée d’influences évidentes allant de Jacques Audiard à Mathieu Kassovitz, on se retrouve avec quelque chose de néanmoins nuancé qui ne délaisse jamais l’humour ni la tension, ni même ce drame poignant qui s’infiltre quand on s’y attend le moins.
En ouvrant le dialogue, qui s’avère peu centré sur les réponses, on pousse le public à changer constamment son fusil d’épaule et à remettre en question ses propres conceptions, ses propres préjugés. Le matériel est riche et les performances senties, dont émane un naturel confondant. Nommé Meilleur espoir masculin aux Césars et aussi collaborateur au scénario, Alexis Manenti est rien de moins qu’explosif, tandis que Damien Bonnard est le protagoniste idéal pour ancrer le spectateur dans une certaine zone neutre déchiré entre les incompatibilités de la technique et de la mise en pratique. À eux s’ajoutent les nombreux et justes Djebril Zonga et Steve Tientcheu, pour ne nommer qu’eux.
C’est une incursion dans le nouveau quotidien d’un jeune policier qui se retrouve réaffecté dans un bled battant au rythme de son propre microcosme où la hiérarchie n’est souvent qu’une question de perception. Montfermeil par contre c’est un lieu abandonné par les autres où tous ceux qui restent essaient de survivre et vivre du mieux qu’ils peuvent. C’est aussi là où Hugo a écrit l’œuvre à laquelle on fait directement référence.
Judicieusement récompensé du César du Meilleur film, mais aussi du Meilleur montage, tout comme d’un prix du Jury ex-aequo à Cannes, le film s’écoute de manière fascinante. Riche en rebondissements et en scènes qui savent nous investir et multiplier les émotions qu’on y ressent, on pourrait difficilement penser à un long-métrage aussi engageant capté par la caméra vibrante et mouvementée qui sert notre regard, trouvant un équilibre impressionnant avec la distance et la proximité.
Si on n’aurait pas dit non à quelques suppléments dont l’inclusion du court-métrage d’origine, on apprécie quand même que dans notre époque incertaine, ce film aussi magnifique qu’essentiel s’est rendu au format physique dans une édition bien de chez nous. Il est toutefois dommage qu’il n’y a pas de sous-titres français pour les malentendants (ou pour ceux qui auraient un peu de difficulté avec le slang français), et ce malgré ce qui est indiqué sur la pochette, et seulement des sous-titres anglais.
Les Misérables est une expérience mouvementée, mais aussi divertissante que nécessaire. Un film à voir et à revoir pour tout l’impressionnant savoir-faire qui s’en dégage.
En rappel, ma critique lors de sa présentation au festival Cinémania.
9/10
Les Misérables est disponible en DVD via TVA Films depuis le 28 juillet dernier.