Une importante avancée dans la technologie de captation du carbone pourrait permettre de mettre au point une méthode efficace et abordable, pour les exploitants de centrales électriques au gaz naturel, de retirer le dioxyde de carbone de leurs émissions de gaz à effet de serre, une étape essentielle dans la lutte aux changements climatiques.
Mise au point par des chercheurs de l’Université de la Californie à Berkeley, du Lawrence Berkeley National Laboratory, et de la pétrolière ExxonMobil, cette nouvelle méthode s’appuie sur un matériau particulièrement poreux appelé cadre métal-organique (MOF), matériau qui est modifié avec des molécules contenant de l’azote pour capter le CO2 et la vapeur à basse température pour en chasser le dioxyde de carbone et l’utiliser à d’autres fins, ou encore le séquestrer sous terre.
Lors de tests, cette technique a démontré une capacité six fois plus importante de retrait du CO2 des gaz de combustion d’une centrale, comparativement aux technologies employées pour l’instant. Il a également été possible de capter plus de 90% du CO2 émis par la centrale. Le processus emploie de la vapeur à basse température pour régénérer le MOF pour l’utiliser à plusieurs reprises, ce qui signifie que moins d’énergie est nécessaire pour capter le carbone, affirment les chercheurs.
« En ce qui concerne la captation du CO2, l’utilisation de la vapeur pour séparer le dioxyde de carbone des autres émissions pour l’en retirer est considérée comme un genre de Saint Graal dans le milieu. Cela est considéré comme la méthode la plus abordable pour y parvenir », mentionne Jeffrey Long, professeur de chimie à UC Berkeley. « Ces matériaux, du moins en fonction des tests effectués jusqu’à maintenant, sont très prometteurs. »
En raison de la petitesse du marché pour la plupart du CO2 capté, les centrales électriques en pomperaient la majorité dans le sol, soit la définition même de la séquestration, où le gaz se transformerait en roc. Le coût du nettoyage des émissions devrait être réduit à l’aide de mesures gouvernementales, notamment avec une bourse du carbone ou une taxe sur les émissions carbone, histoire de favoriser la captation et la séquestration du CO2, lit-on dans les travaux récemment publiés, une politique qui a déjà été mise en place dans plusieurs pays.
L’étude a été publiée dans le magazine spécialisé Science.
Les émissions de CO2 produites par les véhicules à essence, les centrales électriques et les installations industrielles représentent environ 65% des gaz à effet de serre alimentant les changements climatiques, qui ont déjà fait augmenter la température moyenne de notre planète d’un degré Celsius depuis le 19e siècle. Sans une réduction de ces émissions, les climatologues et autres chercheurs prédisent des températures encore plus élevées, des tempêtes plus violentes et plus erratiques, une hausse du niveau de la mer de plus d’un mètre, ainsi que des sécheresses, des inondations, des incendies massifs, des famines et des guerres.
« En fait, parmi les méthodes suggérées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat pour contrôler le réchauffement climatique, la captation du CO2 occupe une grande place », mentionne M. Long. « Nous n’avons pas d’utilité pour la plupart du CO2 que nous devons cesser d’émettre, mais il faut aller de l’avant. »
Nettoyage
De nos jours, les centrales électriques « nettoient » le CO2 contenu dans leurs émissions en faisant passer leurs gaz de combustion à travers de l’eau contenant certaines matières organiques, qui s’attachent au CO2 pour le retirer des émissions en question. Le liquide est ensuite chauffé à une température allant de 120 à 150 degrés Celsius pour provoquer un relâchement du CO2, avant d’être réutilisé. Le processus nécessite environ 30% de l’énergie produite par la centrale. Séquestrer le CO2 sous terre nécessite encore plus d’énergie, même si cette portion est plus petite.
L’un des avantages des nouveaux matériaux particulièrement poreux mis au point par M. Long et ses collègues est qu’il est possible de modifier les composantes organiques qu’il contient pour s’adapter aux diverses concentrations en CO2 des gaz de combustion de diverses centrales, allant des 12% à 15% des centrales au charbon, aux 4% des centrales au gaz naturel, voire même la concentration encore plus faible qui est mesurable dans l’air que nous respirons.
La nouvelle version du processus prolonge par ailleurs la durée de vie des composantes organiques qui permettent de « nettoyer » le CO2, affirment les chercheurs.
« Cela fait 23 ans que je fais de la recherche à l’Université de la Californie, et il s’agit de l’une des fois où vous avez ce qui semble être une idée folle, mais qui fonctionne dès le départ », a encore indiqué M. Long.