Pour mieux gérer leurs ressources et services, plusieurs villes s’appuient sur l’internet des objets et les données recueillies par des senseurs. Qu’il s’agisse de s’attaquer à la congestion routière, de limiter le bruit ou encore de contrôler la pollution, par exemple, les municipalités doivent souvent obtenir des informations sur un important territoire. Pour Pei Zhang, professeur associé en génie électrique et informatique à l’Université Carnegie Mellon, la solution est simple: utiliser les taxis.
Les villes modernes peuvent s’avérer être gigantesques. New York, par exemple, possède une superficie de 1214 kilomètres carrés, et une population d’un peu plus de 8 millions d’habitants. Pékin, pour sa part, est officiellement un géant de 16 410 kilomètres carrés, où l’on retrouve près de 22 millions de personnes. Pour recueillir suffisamment de données, il faudrait des senseurs sur l’ensemble du territoire, ce qui est impossible.
M. Zhang a donc eu l’idée de faire appel aux taxis. Pourquoi? Cette flotte de véhicules est en fonction pendant de longues périodes de temps, couvre un vaste territoire, et représente donc une excellente opportunité pour la collecte de données, soutient-il.
« Installer des capteurs à travers des villes densifiées serait onéreux et difficile à entretenir, mais des flottes de voitures comme celles des taxis se trouvent déjà partout et visitent tous les coins d’une ville », dit-il.
Malgré le potentiel intéressant d’une flotte de taxis, l’idée est aussi accompagnée de défis qui lui sont propres. Si des capteurs sont installés sur les véhicules sans encadrement réglementaire, les données seront probablement erronées ou incomplètes, puisque les taxis ne se rendent pas naturellement dans l’ensemble des endroits qui forment une ville. Il circulent plutôt autour et à l’intérieur d’endroits populaires. « Les taxis ne sont pas conçus pour aider à la recherche », mentionne le scientifique, à la blague.
Pour obtenir des données plus précises qui serviront à la recherche, M. Zhang et ses collègues ont mis au point un algorithme visant à créer le meilleur plan pour motiver financièrement les chauffeurs à se rendre dans les lieux moins populaires afin d’y recueillir des informations. Les chercheurs évoquent deux principaux objectifs découlant de la collecte de données, soit la couverture d’une plus grande partie de la ville, et une couverture plus égale. Pour déterminer quels taxis devraient recevoir un incitatif afin de se rendre dans des endroits moins populaires, l’algorithme a tenu compte de plusieurs facteurs, y compris l’emplacement d’un taxi, les trajets possibles, les clients potentiels et la nécessité de réduire les coûts.
« En gros, l’algorithme dirait au chauffeur: « Suivez mon trajet, vous pourriez trouver plus de clients, mais si cela n’est pas le cas, nous paierons la différence » », a dit M. Zhang. « De notre côté, nous obtenons des données le long du nouveau trajet, et nous améliorons notre compréhension de la ville. »
L’équipe de recherche a effectué, jusqu’à maintenant, 146 déploiements de 146 taxis à Shenzhen, et 19 autres à Tianjin, deux grandes villes de Chine.
Dans le cadre de leurs travaux, ainsi que de leur collaboration avec la compagnie chinoise Environmental Thinking, les scientifiques ont mis au point un outil de cartographie de la pollution appelé Atmospheric Monitorin System, outil qui compile une série d’informations à propos de la pollution atmosphérique dans un endroit donné. Il est notamment possible de combiner les mesures des particules, du dioxyde d’azote et de l’ozone, trois composantes polluantes, sur une seule plateforme.
« À mesure que les villes deviennent plus intelligentes, nos systèmes offriront une résolution importante et des informations précises aux gestionnaires municipaux ou aux occupants », soutient M. Zhang. « En connaissant mieux la situation actuelle, une ville intelligente sera plus en mesure de répondre à ses citoyens. »