Étrange déclinaison télévisuelle que cette première saison de la série Snowpiercer, présentée sur Netflix. Quelque peu brouillonne, dans ses débuts, l’oeuvre trouve rapidement son rythme de croisière, et réserve même quelques petites surprises pour donner envie de voir la suite.
Il y a toujours, bien entendu, Andre Layton (Daveed Diggs), sorte de messie multiculturel qui a émergé des voyageurs de queue de ce train long de 1001 wagons qui doit circuler éternellement sur la surface glacée d’une planète détruite par une technologie qui aurait dû ralentir le réchauffement climatique. Il y a aussi Melanie Cavill (Jennifer Connelly), responsable des services « d’hospitalité » destinés aux nantis de la première classe, mais qui est en fait à la tête de l’ensemble du train. Et tout une série de personnages secondaires plus ou moins importants, qui auront leur rôle à jouer dans cette gigantesque bagarre sociale, politique, économique et, ultimement, militaire, pour contrôler ce qui reste de l’humanité.
Si les premiers épisodes portent, tel que mentionné dans la première critique publiée en nos pages, sur une enquête policière relativement classique, où Layton tente de faire la lumière sur une série de meurtres et de profanation de cadavres, cette histoire a finalement une influence limitée sur la suite des choses. Après tout, Snowpiercer ne pouvait pas trop s’éloigner du film, ni des bandes dessinées, et avec un univers où l’affrontement entre les classes sociales et économiques représente forcément la « colonne vertébrale » du scénario, il était inévitable que les opprimés se rebellent contre les oppresseurs.
Cela se produira éventuellement, bien sûr, mais le véritable intérêt de la série, si l’on puis dire, est l’exploitation d’un aspect moins démontré dans le film de Bong Joon-ho, par exemple, qui est celui de la rareté des ressources. Le train continue de circuler, oui, mais chaque ralentissement lui coûte de l’énergie. Idem en cas d’accélération soudaine. La même chose vaut pour la nourriture, l’eau potable, les vêtements, les médicaments, le bétail, les cultures… Une scène où les étables sont exposées au froid mène à une conclusion inévitable: toutes les vaches étant mortes de froid, il n’y aura plus de steak au menu des passagers de la première classe.
Étrangement, autant on évoquera fréquemment le côté quasi-religieux de la présence imaginée de M. Wilford, présenté comme le concepteur du train et celui qui le commande, allant jusqu’à lui attribuer des prières, par exemple, et ce même si cela ne fait que sept ans que le train circule sur les rails, soit pas suffisamment longtemps, logiquement, pour qu’un endoctrinement si total ait lieu, on ne parlera finalement que rarement de cette disparition progressive des ressources. S’il manque des pièces de rechange, par exemple, on n’en parlera pas beaucoup, pas plus qu’on ne va déplorer, par exemple, la disparition du dernier paquet de savon à lessive.
Il s’agit probablement, ici, de doléances assez superficielles; après tout, personne n’a envie de voir une série consacrée à la gestion des stocks, et Snowpiercer réussit sans trop de problème à créer ce sentiment d’urgence nécessaire pour que le téléspectateur ait envie de connaître la suite de l’histoire. Cela est notamment dû à ces personnages cruels, méchants, retors, et autres esprits vils. Layton est trop messianique pour son propre bien, et il devient un peu ridicule, éventuellement, de le voir arborer les mêmes tâches de sang après s’être battu, et ce pendant au moins deux épisodes complets. Est-ce impossible de prendre 5 minutes pour se débarbouiller, ou encore panser ses plaies?
Bref, la première saison de Snowpiercer aura réussi à être intéressante, voire captivante jusqu’à la fin, malgré quelques longueurs et errances scénaristiques. Vivement la prochaine mouture, dont la date de sortie n’est pas encore connue, pandémie oblige.