Une nouvelle année, un nouveau téléphone: le fabricant chinois Huawei lançait vendredi dernier le P40 Pro, son plus récent téléphone intelligent, sur le marché canadien. Et avec cette nouvelle génération d’appareils, l’entreprise tente de créer son propre écosystème logiciel, à l’image d’Apple ou de Google. Le résultat laisse toutefois encore à désirer.
Sur le plan matériel, il n’y a rien à redire à propos de ce nouvel appareil: les excellentes lentilles Leica sont comme toujours plus qu’à la hauteur, et les photographes pourront profiter d’une caméra de 50 mégapixels dotée de tous les avantages que l’on ne trouve généralement que sur les appareils réflex. Et fidèles à l’habitude Huawei, les photos prises avec le P40 Pro sont d’une qualité plus qu’exceptionnelle, y compris lorsque vient le temps d’équilibrer l’éclairage, ou généralement tout autre tâche effectuée automatiquement par nos yeux et par notre cerveau, mais ont longtemps semblé hors de portée des ordinateurs et des capteurs photo les plus sophistiqués.
Une caméra ultralarge de 40 mégapixels est aussi accessible, tout comme une lentille téléphoto de 12 mégapixels.
Même chose pour la pile: avec une capacité de 4200 milliampères, il est tout à fait possible de laisser le téléphone en mode veille pendant une semaine, par exemple, et de disposer malgré tout d’au moins 60% d’autonomie par la suite.
Quant à la coque du téléphone, celle-ci est faite de métal brossé, ce qui vient non seulement ajouter un poids agréable à l’appareil, mais aussi offrir quelques assurances sur la solidité de la chose.
Rapide, solide, durable, avec une connectivité 5G et la capacité d’accéder à la norme Wifi 6, il n’y a pas grand-chose de plus que l’on pourrait demander au P40 Pro.
Imbroglio logiciel
Les choses se gâtent lorsque l’on allume l’appareil. Fonctionnant sous le logiciel EMUI 10, qui est adapté de la version 10 d’Android, le système d’exploitation mobile de Google, le P40 Pro est la première génération de téléphones de Huawei sans accès à la boutique Play Store du géant américain, sanctions contre la Chine obligent.
Cela a forcé la compagnie à tenter d’innover. S’il existait déjà quantité d’applications de Huawei sur le marché mobile, notamment le logiciel permettant de contrôler les récents écouteurs sans fil lancés par l’entreprise, le fabricant chinois est maintenant forcé de bâtir son propre écosystème d’applications. Et donc, impossible d’y trouver YouTube, Maps, Gmail, ou n’importe quelle application Google. Impossible, aussi, d’y trouver certaines applications qui se retrouvent dans les boutiques d’Apple ou de Google, et qui n’ont pas encore faire le saut chez Huawei, ou qui n’en ont tout simplement pas l’intention.
Pour contrer ce problème, Huawei propose d’abord la patience, mais aussi une sorte de solution un peu stupéfiante: une deuxième boutique d’applications. Car il y a déjà la App Gallery propriétaire de Huawei; l’entreprise propose aussi d’installer Petal Search, un « moteur de recherche » pour applications qui ira fouiller non seulement sur l’App Gallery, mais aussi ailleurs sur le web, dans le but de trouver le logiciel recherché. Il pourrait notamment s’agir du programme d’installation directement pris sur le site web de l’application. En dernier recours, on proposera d’installer un raccourci pour accéder à la version web du logiciel voulu, comme par exemple Gmail ou Google Calendar.
Si Petal Search est si efficace, pourquoi proposer de passer par App Gallery? Pourquoi ne pas intégrer les deux? Proposer d’utiliser non pas une, mais l’équivalent de deux boutiques d’applications sur un même téléphone pour trouver un programme est un peu incompréhensible.
Ce qui est incompréhensible, aussi, c’est de décider, lors du lancement de l’App Gallery sur un téléphone vendu à 1750$ canadiens, d’afficher des publicités. Une entreprise ne devient certes pas riche en se montrant plus généreuse que nécessaire, mais le geste est franchement étonnant. Tout comme le fait de présélectionner, en ouvrant l’App Gallery pour la première fois, certaines applications. Ou encore de présuggérer des applications d’autres géants chinois, comme AliExpress ou WeChat, dans la barre de recherche du même programme.
Faire le changement d’Apple ou de Google vers Huawei est une question de choix. De choix éthique, d’abord, avec les tensions diplomatiques entre la Chine et le Canada dans l’affaire Meng Wanzhou, mais aussi (et surtout) de choix logistique. Car avec cette impossibilité d’accéder aux applications Google, par exemple, il faudra accepter de consacrer potentiellement plusieurs heures à configurer les logiciels de courrier et de calendrier pour obtenir quelque chose de fonctionnel et de similaire à ce que l’on utilisait déjà avant de faire le saut.
Autrement, le P40 Pro est une véritable bête de somme infatigable, ou, encore mieux, une voiture surpuissante et rutilante. Il ne faut peut-être simplement pas regarder sous le capot.