Empruntant autant à Mad Max qu’à Elysium, Le Mur, une bande dessinée post-apocalyptique d’Antoine Charreyron et Mario Alberti, compte définitivement parmi les nouvelles séries de science-fiction les plus emballantes de l’année.
Le Mur se déroule dans un futur post-apocalyptique, où la civilisation telle qu’on la connaît n’est plus qu’un tas de débris dont les survivants tentent de s’extraire. Solal, un adolescent doué pour la mécanique, a promis à sa mère avant qu’elle ne décède de prendre soin d’Eva, sa petite sœur souffrant d’une grave maladie respiratoire, mais leur réserve de médicaments s’épuise rapidement. Leur dernier espoir d’en dénicher se trouve du côté d’ED3N, un paradis technologique où se seraient réfugiés les riches d’autrefois, et que la plupart considèrent désormais comme une simple légende. Après avoir réussi à remettre une camionnette en état de marche, le frère et la sœur filent tout droit vers l’immense mur encerclant ce lieu mythique, mais la route sera parsemée d’une foule de dangers qui viendront ralentir leur périple, dont des meutes de loups enragés et de dangereuses bandes de pillards mécanisés.
En 2011, le président Nicolas Sarkozy, en conflit avec l’Italie quant à l’accueil des réfugiés, fait allusion à la création d’un vaste mur qui entourerait l’Europe afin de stopper les vagues de migrants. C’est ce qui inspire Antoine Charreyron à écrire le scénario de ce qui deviendra Le Mur. Initialement destiné au cinéma, l’ambitieux projet aurait coûté beaucoup trop cher à réaliser, et c’est donc sous la forme d’une bande dessinée qu’il voit finalement le jour. La science-fiction européenne s’avère souvent plus subtile et nuancée que son pendant américain, et cet album en est un autre bel exemple. En plus de se dérouler à hauteur d’enfants, ce road trip apocalyptique porte aussi un fort message social, en dépeignant un futur où les réfugiés sont aussi indésirables qu’aujourd’hui, et le revirement complètement inattendu de sa conclusion met l’eau à la bouche pour les deux autres tomes à venir.
Signant l’adaptation, les illustrations et la coloration, Mario Alberti est un virtuose du dessin, et un génie du détail. Ses planches, d’une finesse et d’une richesse à couper le souffle, rendent toute sa splendeur cinématographique au récit, et on ne peut que s’extasier devant ses cieux esquissés à l’aquarelle, ses cités en ruines, ses engins constitués d’amas de métal recyclé, ou ses bateaux éventrés et ses squelettes de baleines gisants au beau milieu d’une Méditerranée asséchée et transformée en désert. Ses couleurs terreuses de fin du monde transmettent à merveille la chaleur et la poussière de cet univers dystopique à la beauté décrépie, auxquelles il oppose des teintes de vert et de turquoise pour l’autre côté du mur, où se trouve la cité d’ED3N dominée par une tour centrale évoquant directement le logo d’Atari.
Avec Le Mur, Antoine Charreyron et Mario Alberti prouvent une fois de plus que la bande dessinée est l’antichambre du cinéma, et les amateurs de science-fiction dévoreront cet album, qui inaugure en beauté une nouvelle série très prometteuse.
Le Mur, Tome 1 : Homo Homini Lupus, de Mario Alberti (d’après l’œuvre d’Antoine Charreyron). Publié aux éditions Glénat, 64 pages.