Il aura fallu attendre plusieurs mois, mais il sera finalement possible de s’émerveiller devant les tableaux de maîtres de la période postimpressionniste dans les galeries du Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM). Dès le 4 juillet, le public pourra découvrir Paris au temps du postimpressionnisme – Signac et les Indépendants, une exposition qui sera présentée jusqu’au 15 novembre.
L’émotion était palpable, mardi, lors de la conférence de presse, alors que les responsables de l’exposition étaient plus qu’heureux de présenter le résultat de longues démarches visant à sélectionner, rassembler et accrocher les quelque 500 oeuvres présentées, le tout devant un parterre de journalistes socialement distants et portant le masque.
Sous l’égide du peintre Paul Signac, quantité d’artistes influents de la fin du 19e et du début du 20e siècle se sont rassemblés à Paris, au Salon des indépendants, un lieu de diffusion « sans jury, ni récompenses », où il était donc possible de présenter ses oeuvres dans un contexte de liberté et d’autonomie.
Pendant une trentaine d’années, d’abord, de 1884 à l’éclatement de la Première Guerre mondiale, ledit salon, où les artistes se ralliaient au leitmotiv « l’art pour tous! », accueilli un grand nombre de maîtres, et l’exposition montréalaise donne dans l’abondance, voire la surabondance pour explorer les différents courants picturaux de l’époque. Degas, Monet, Vlaminck, Gauguin, Toulouse-Lautrec, Heckel, voire Picasso lui-même, et bien d’autres encore: tous ont rendez-vous dans la métropole québécoise.
Dans une orgie de couleurs qui tranche violemment – et fort agréablement, il faut le dire – avec la grisaille ambiante, les tableaux s’égrènent de salle en salle. D’abord teintées des codes de l’impressionnisme, les oeuvres évoluent peu à peu, à mesure que les techniques, les sujets, les époques changent. Des beaux jours quasiment pastoraux de la fin du 19e siècle, à la modernisation et à l’urbanisme croissants de la vie en société du début du 20e, jusqu’aux horreurs du premier conflit mondial, puis au retour d’un certain optimisme prudent après 14-18, les centaines d’oeuvres présentées se font le témoin de l’évolution d’un monde, de la transformation d’une Europe d’abord paysanne, puis métropolitaine, et enfin meurtrie, mais toujours présente.
Il faut voir, aussi, ces variations de peintre en peintre, avec des toiles longuement travaillées, ou encore des dessins aux traits quasiment naïfs, croqués dans des paysages quasiment paradisiaques. Il y a aussi, à l’opposé, ces oeuvres excessivement sombres et violentes qui représentent l’incompréhensible boucherie de la guerre des tranchées.
Avouons-le, il y a énormément à voir, à lire et à comprendre dans ce Paris au temps du postimpressionnisme. Le volume du contenu est peut-être trop important, d’ailleurs. D’autant plus que le musée propose aussi un superbe catalogue de plus de 300 pages rassemblant non seulement les oeuvres présentées, mais proposant aussi des textes explicatifs venant bonifier les tableaux exposés au musée. De quoi plonger dans l’étrange univers postimpressionniste pendant des heures… Dans les espaces du MBAM, toutefois, il faudra probablement faire un choix et privilégier certaines salles plutôt que d’autres, surtout que l’expérience de visite avec un masque sur le visage renforce non seulement le côté singulier de la chose, mais vient aussi grever la patience dont on pourrait faire normalement preuve en explorant une exposition si complète, si riche de sens.
À voir (et à revoir), histoire de se laisser transporter.