La politisation rapide de la pandémie de COVID-19, aux États-Unis, peut être constatée dans les messages publiés à ce sujet sur Twitter par les membres du Congrès américains, révèle une nouvelle étude.
En utilisant des processus d’intelligence artificielle et des ressources provenant de l’Ohio Supercomputer Center, des chercheurs de l’Université d’État de l’Ohio ont analysé quelque 30 887 tweets, soit l’ensemble des messages publiés par les membres du Congrès entre le 17 janvier et le 31 mars.
L’algorithme créé par les chercheurs était en mesure d’identifier le parti politique de la personne ayant envoyé les tweets avec une efficacité de 76%, en s’appuyant seulement sur le contenu du message et sa date d’envoi.
« Nous avons constaté qu’une fois que les partis politiques (républicains et démocrates) ont déterminé qu’il y avait des ramifications politiques à toute cette affaire, la polarisation est rapidement apparue dans les tweets », affirme Jon Green, coauteur de l’étude et étudiant au doctorat en science politique à l’Université d’État de l’Ohio.
Les travaux ont été publiés dans Science Advances.
« Il est remarquable que nous puissions identifier la partisanerie, même lorsque les politiciens n’ont que 280 caractères pour envoyer leurs messages sur Twitter », a indiqué un autre coauteur de l’étude, Skyler Crammer, professeur en science politique.
L’étude a aussi démontré que les démocrates avaient envoyé largement plus de tweets à propos de la COVID-19 que les républicains, soit 19 803 messages contre 11 084.
L’écart entre les deux partis en matière de nombre de messages envoyés s’est accru après l’identification du premier cas de transmission communautaire, en Californie, et n’a cessé d’augmenter après la déclaration de l’état d’urgence nationale.
« Cela suggère que les démocrates envoyaient plus rapidement des signaux plus forts à leurs électeurs, à propos du fait qu’ils devaient s’inquiéter de la crise », mentionne M. Cranmer.
Les élus des deux partis ont aussi publié des choses bien différentes à propos de la pandémie.
Par exemple, le mot « santé » a été utilisé dans 26% des tweets démocrates, mais seulement dans 15% des tweets républicains.
Au total, les démocrates étaient plus poussés à discuter des enjeux de santé et de sécurité publiques, ainsi que des travailleurs américains, tandis que les républicains mettaient plutôt de l’avant l’idée d’une unité nationale, ont abordé la question de la Chine et des entreprises, et ont soutenu que la pandémie était une guerre.
Zone partisane grise
Dans le cadre de leur analyse, les chercheurs ont identifié des politiciens qui tombaient dans ce qui est appelé une « zone grise partisane ». Ceux-ci ont publié des messages qui réussissaient à provoquer la confusion des algorithmes, et qui pouvaient donc être confondus avec des élus du parti adverse.
Seuls 31% des membres du Congrès ont été classés dans cette catégorie.
« Cela veut dire que les tweets de 69% des membres sont plus partisans que ceux du politicien le plus similaire au sein du parti adverse », a dit M. Green.
La polarisation n’était pas non plus constante pendant l’ensemble de la période étudiée.
Pendant la première semaine complète après la première mention de la COVID-19, l’algorithme développé par les chercheurs était relativement peu efficace pour déterminer l’appartenance politique des auteurs des messages. Cela signifie que la polarisation était minimum.
Cependant, le phénomène s’est rapidement manifesté plus fortement, particulièrement dans la semaine du 9 février. La tendance a ensuite ralenti entre le début de mars et le milieu de ce mois, avant de reprendre vers la fin du mois, alors que les deux partis débattaient des programmes d’aide économique.
Les conclusions des travaux indiquent que le Congrès a raté une opportunité, au début de la pandémie, pour développer un consensus qui aurait pu aider les États-Unis à répondre à la crise, soutient M. Cranmer.
« Quelque chose à l’échelle de la COVID-19 nécessite une réponse gouvernementale à grande échelle. L’État peut bien mieux réagir s’il est uni dans sa mission », dit-il.