Malgré une baisse historique des émissions de gaz à effet de serre (GES) grâce au confinement, cela ne représente qu’une petite fraction de ce que nous émettons. Les efforts, même involontaires, qui ont permis cette réduction des GES, nous apprennent trois choses sur les efforts qui restent à entreprendre pour lutter contre la crise climatique, explique le Détecteur de rumeurs.
1) La moitié de l’humanité était sur « pause ». D’où proviennent les gaz à effet de serre (GES) émis malgré tout lors du Grand confinement?
Dans une étude publiée le 19 mai dans la revue Nature Climate Change, des chercheurs ont estimé les GES émis de janvier à avril, dans 69 pays représentant 85% de la population du globe et 97% des émissions mondiales.
Leur analyse fait état de baisses importantes d’émissions de GES dans les transports en surface (-50% par rapport à la moyenne équivalente de 2019) et aériens (-75%). De fait, c’est de là que provient le gros des réductions attribuables au confinement: la diminution des besoins de transport, qui elle-même s’explique entre autres par l’implantation du télétravail et la fermeture des frontières aux voyageurs. Les transports en surface et aériens représentaient respectivement 20,6% et 2,8% des émissions de GES en 2019, selon les auteurs.
On constate aussi un recul des émissions de GES attribuable à une production moindre d’électricité, mais ce recul est moins radical (-15%). En effet, si les bureaux ont été désertés, il n’en a pas moins fallu continuer de les chauffer, et la consommation d’électricité résidentielle a quant à elle augmenté de 5%, confinement oblige. La production d’électricité était le principal émetteur de GES en 2019, avec un poids relatif de 44% des émissions: cela rappelle que pour une bonne partie de la planète, l’électricité provient encore d’énergies fossiles.
Enfin, le secteur industriel, qui englobe la production de matériaux et l’ensemble des activités manufacturières, a vu ses émissions de GES diminuer de 35%. Cela traduit un certain maintien d’activités économiques jugées essentielles malgré l’imposition de mesures de confinement. L’activité industrielle était à l’origine de 22,4% des émissions mondiales de GES en 2019.
2) L’année 2020 est-elle garante de l’avenir pour atteindre les cibles de réduction de GES?
Bien que les estimations varient, les experts s’accordent pour dire que tout cela pourrait se traduire par une une baisse historique de 4% à 8% des émissions de GES sur l’ensemble de l’année 2020. Ça peut sembler peu, en regard des diminutions évoquées ci-haut allant de 15 à 75%, tout dépendant du secteur. Mais il faut se rappeler que ces diminutions de 15 à 75% ne valent que pour les quatre premiers mois de l’année. Le bilan final de 2020 dépendra du rythme du retour à la normale de l’activité économique: plus il sera tardif, plus la baisse globale sera importante.
Sauf que, pour atteindre les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, la communauté internationale devrait réduire ses émissions de GES de 7,6% par an dès 2020 et jusqu’à 2030, soulignait l’automne dernier le rapport annuel du Programme des Nations unies pour l’environnement.
Autrement dit: il faudrait bel et bien maintenir un rythme de réduction des GES semblable à celui que nous atteindrons peut-être en 2020 grâce au confinement, rien que pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius d’ici à 2100. Si l’on se fie à l’étude parue dans Nature Climate Change, un virage massif vers les énergies vertes pour produire l’électricité semble faire figure d’incontournable pour atteindre ces objectifs.
3) En matière de réduction de ses GES, le Québec fait-il bande à part?
Le Québec n’est pas dans la même position puisque son électricité ne provient pas de carburants fossiles. Sa réduction des émissions de GES depuis le début de 2020 — une baisse possible de 10,3 millions de tonnes de GES équivalent C02 d’ici la fin de l’année, rapportait le Journal de Montréal en mai — s’explique donc par un ralentissement de l’activité industrielle et une baisse marquée de la circulation automobile. Au point où la province est sur la bonne voie pour atteindre sa cible de 2020 de réduction des GES, ce qui n’était pas le cas juste avant la COVID-19.
Le secteur des transports pèse lourd dans le bilan des émissions de GES du Québec. En 2017, les transports routiers, aériens, maritimes, ferroviaires et hors route, généraient 43,3% de ses émissions de GES. À lui seul, le transport routier représentait près de 80% des émissions du transport, ou 34% des émissions totales de GES. L’activité industrielle arrivait en deuxième place, avec 30% des émissions de GES.
Il est donc normal qu’un ralentissement de ces deux secteurs en 2020 améliore aussi rapidement le bilan environnemental annuel du Québec. Mais il reste à voir si cette baisse pressentie des émissions de GES en 2020 se répétera dans les prochaines années… ou si elle constituera une anomalie historique due au Grand confinement.