Aujourd’hui, le ciel est rempli d’étoiles. Mais lorsque l’univers en était encore à ses premiers balbutiements, il ne contenait aucune étoile. Et une équipe de chercheurs est plus près que jamais de détecter, mesurer et étudier un signal de cette période de l’univers, signal qui voyage à travers le cosmos depuis la fin de cette période, il y a plus de 12 milliards d’années.
Cette équipe, dirigée par des chercheurs de l’Université de Washington, de Melbourne, de l’Université Curtin et de l’Université Brown, a annoncé l’an dernier, dans l’Astrophysical Journal, qu’elle était parvenue à une multiplication par 10 des données radio recueillies par le télescope Murchison Widefield Array. Les membres de l’équipe étudient actuellement les données de ce radiotélescope installé dans une zone reculée de l’ouest de l’Australie pour y trouver des indices de ce signal provenant de cette « âge sombre » incompris de notre univers.
En apprendre davantage sur cette période permettra de mieux comprendre l’univers que nous connaissons aujourd’hui, affirment les chercheurs.
« Nous pensons que les propriétés de l’univers pendant cette période ont eu un impact important sur la formation des premières étoiles et déclenché le processus qui a mené aux caractéristiques contemporaines de l’univers », affirme Miguel Morales, professeur de physique à l’Université de Washington. « La façon dont la matière a été distribuée durant cette époque a probablement influencé la formation des galaxies et des amas de galaxies. »
Avant cette époque sombre, l’univers était chaud et dense. Les électrons et les photons se télescopaient régulièrement, ce qui a rendu l’univers opaque. Mais lorsque l’univers fut âgé de moins d’un million d’années, les interactions entre photons et électrons se sont raréfiées. L’univers en expansion est rapidement devenu transparent et sombre, ce qui a déclenché cette époque « noire ».
Cette époque sans étoiles s’est étirée sur des centaines de millions d’années, durant lesquelles des atomes d’hydrogène sans charge électrique ont dominé le cosmos.
« Pendant cette période sombre, il n’y a évidemment aucun signal lumineux que nous pouvons étudier pour en apprendre davantage… parce qu’il n’y avait pas de lumière! », lance M. Morales. « Mais il existe un signal spécifique que nous pouvons rechercher. Il provient de l’hydrogène neutre. Nous n’avons mesuré ce signal, mais nous savons qu’il existe. Et il est difficile à détecter, puisqu’il s’est écoulé 13 milliards d’années depuis qu’il a été émis, et depuis, notre univers est devenu un endroit très animé, rempli de l’activité des étoiles, des galaxies, et même de notre technologie qui noie le signal de l’hydrogène neutre. »
Un message long de 21 centimètres… ou de deux mètres?
Le signal vieux de 13 milliards d’années que M. Morales et son équipe tentent de découvrir est une émission électromagnétique provenant de l’hydrogène neutre et possédant une longueur d’onde de 21 centimètres. L’univers a pris de l’expansion depuis, ce qui a fait en sorte que le signal mesure maintenant deux mètres de long.
Lorsque l’univers a franchi la barre du premier milliard d’années d’existence, les atomes d’hydrogène ont commencé à s’agréger pour former les premières étoiles, ce qui a mis fin à la période sombre. La lumière de ces premières étoiles a déclenché une nouvelle ère, celle de la réionisation, lors de laquelle l’énergie des étoiles a converti la majorité de l’hydrogène neutre en plasma ionisé. Ce plasma continue de dominer l’espace interstellaire encore aujourd’hui.
« L’époque de la réionisation et l’âge sombre qui l’a précédée sont des périodes critiques pour comprendre des caractéristiques de notre univers, comme l’explication de la présence de régions remplies de galaxies et d’autres relativement vides, la répartition de la matière, et potentiellement même la matière sombre et l’énergie sombre », a poursuivi M. Morales.
Pour tenter de parvenir à leurs fins, et détecter le signal à travers tous les autres « bruits » du reste de l’univers, l’équipe de recherche a développé des méthodes sophistiquées pour filtrer le tout. L’an dernier, les scientifiques ont annoncé avoir « clarifié » environ 21 heures de données captées par le télescope. Ils devront maintenant passer au crible quelque 3000 heures d’écoute supplémentaires pour tenter de trouver le signal tant convoité.