Forcé, comme tous les autres musées du Québec, de fermer ses portes en raison de la pandémie de COVID-19, le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) reprend du poil de la bête et a rouvert ses portes depuis le 6 juin, en relançant son exposition Momies égyptiennes: passé retrouvé, mystères dévoilés. Rencontre avec Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef de l’institution de la rue Sherbrooke.
Comment se préparent le déconfinement et la reprise des activités au musée?
Après avoir fermé depuis le vendredi 13! Et ce n’est quand même pas une blague! C’est vraiment un soulagement et une joie. C’est une réouverture tout doucement, ça nous réchauffe le cœur et on est très heureux de rouvrir nos portes. Ça nous permet de comprendre comment on va s’habituer avec ces nouvelles normes sanitaires. Mais j’ai fait le tour pour voir comment ça fonctionne, et en fait c’est plutôt très agréable parce qu’on a du temps, de l’espace, il y a moins de monde, on peut admirer la scénographie, s’immerger dans la musique des salles qui ont un accompagnement sonore. C’est une visite très plaisante et très apaisante, parce qu’on se sent en sécurité, et c’est en même temps très agréable.
Comment avez-vous géré la période de confinement? Quel impact la COVID-19 a-t-elle eu sur le musée?
Comme beaucoup d’institutions, on a fermé très vite, parce que ça nous est tombé dessus, comme le ciel qui tombe sur la tête, le vendredi 13 mars! On a été les premiers à annoncer notre fermeture au Québec. Le 17 mars, on a fermé pour nos équipes. Le musée est demeuré fermé pendant près de trois mois. Mais avec des services essentiels, tels que la sécurité, l’entretien… Notre restaurateur en chef venait aussi régulièrement pour s’assurer que les conditions de température et d’humidité étaient respectées.
La majorité de notre travail a continué en télétravail pour faire avancer les projets d’expositions. On a fait beaucoup d’animation, d’entretiens, de webinaires sur nos réseaux pour garder le contact avec nos donateurs, nos membres, nos amis, nos publics. On a été très actifs sur les médias sociaux et sur les plateformes informatiques.
Je dirais qu’il y a un seul groupe d’employés qui ne pouvaient plus fonctionner comme avant; ce sont toutes les personnes d’accueil et les agents de terrain, et puis les éducateurs, malheureusement, mais il n’y avait pas de visites, pas d’écoles, pas d’ateliers…
Comment qualifierez-vous l’expérience de travail en ligne?
On voit quand même des avantages. On a réussi rapidement à nous adapter pour travailler en ligne et collaborer pour offrir des ateliers, animer des webinaires, etc. ce sont des choses qu’on pratiquait peu avant.
C’est un acquis, on a apprivoisé des outils informatiques et puis probablement le monde après la COVID va accepter beaucoup plus le télétravail, car on gagne en efficacité, en temps de transport.
Mais en même temps, on a quelquefois besoin de voir les gens en chair et en os, et pas juste sur un écran. On a besoin de cette émotion physique, de cette émotion esthétique avec une œuvre d’art qui n’est pas réductible à un écran.
Comment pensez-vous que la visite au musée va-t-elle s’adapter à la distanciation sociale?
Momies, c’est un projet pilote. Après, on va ouvrir une exposition sur Paris et le postimpressionnisme qui va être magnifique et ça va nous permettre de nous ajuster, au besoin.
Je pense que c’est un retour en douceur, dans une certaine forme de résilience; nos visiteurs savent qu’il faut suivre des consignes. Maintenant, les gens comprennent les directives de la santé publique et les appliquent bien.
Après, le but est que venir au musée soit une joie, que les visiteurs ne soient pas stressés ou anxieux à cause du risque. Nous avons tout préparé pour que la visite soit la plus sécuritaire possible, pour qu’ils puissent profiter d’un moment exceptionnel dans le bonheur, la joie, la curiosité et l’apprentissage.
Et qu’en est-il de cette exposition sur les momies?
C’est un projet qui nous vient du British Museum d’Angleterre. C’est vraiment fascinant, parce qu’ils ont un ensemble de momies qui n’ont jamais été touchées depuis le 19e siècle, et puis là, avec l’aide de scientifiques et de médecins, les archéologues se sont demandé qui étaient ces personnes au-delà des bandelettes.
Ils ont fait appel à de l’imagerie en 3D, à des scanneurs, qui ont permis de comprendre qui étaient ces momies dans la vraie vie: des êtres humains, des personnes, comme nous, avec des histoires, des métiers, des maladies… On arrive à comprendre l’identité et l’environnement dans lequel vivaient ces six momies.
Je crois qu’en ce moment en plus avec la COVID-19, cette exposition nous met face à la peur de la mort, face à notre temporalité. Voir cette exposition, c’est vraiment une leçon de philosophie: « Souviens-toi que tu vas mourir. »
Oui, mais en même temps, quand on dit ça, je veux dire en même temps: « Profite de la vie, de ta journée, quel bonheur que d’être en vie! »
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