Pour Beatrice Rose – Béa, pour les intimes –, l’année 2012 est loin d’être agréable: récemment séparée, bientôt forcée de quitter son logement après être tombée à court de fonds, elle se trouve un petit travail comme régisseuse adjointe dans une troupe de théâtre donnant Le roi Lear tout l’été dans divers parcs. Ainsi commence L’ombre de Lear, un roman de Claire Holden Rothman publié chez XYZ.
Pire encore, son père Sol, figure autoritaire toujours sérieuse, semble sombrer peu à peu dans l’abîme de la démence. Il faut donc que Béa et sa soeur Cara tentent de s’en occuper. Mais Cara doit gérer un restaurant, la désintégration de son mariage et les ennuis légaux de celui qui est encore son époux, pour l’instant. Il faudra donc que Béa se dévoue, entre deux répétitions, et qu’elle replonge dans des souvenirs d’enfance qu’elle aurait bien voulu faire disparaître.
S’appuyant largement sur les bases de la pièce de Shakespeare, L’ombre de Lear évoque la fin d’une génération, le lent départ de ses mentors, la mort insidieuse et le tranquille plongeon dans la folie. Autant du côté de Sol, le père, dont l’état empire peu à peu, que chez l’acteur Phil Burns, un has been qui est rongé par l’alcoolisme, la protagoniste principale devra louvoyer entre la nécessité d’agir presque carrément comme une mère avec ces deux hommes, et le rôle d’être une femme pleine et entière, avec ses sentiments, ses émotions, ses désirs.
La lecture du roman de Mme Rothman laisse toutefois parfois perplexe; en effet, le rythme y est « brisé », ou du moins, ralenti, ici et là, alors que l’auteure effectue un détour scénaristique qui n’apporte pas nécessairement davantage d’informations au lecteur, pas plus qu’il ne permet de faire cheminer l’héroïne. On se retrouve donc, au dernier tiers du livre, avec une accélération manifeste de « l’action » qui surprend.
Cela ne veut bien entendu pas dire que L’ombre de Lear est un mauvais roman, ou que sa lecture est ennuyante. Mais celle-ci est peut-être « convenue », à défaut de trouver un meilleur terme. L’auteure n’a certainement pas manqué de bonnes idées, mais on aurait aimé un certain approfondissement des enjeux, un enthousiasme plus important pour les conflits permettant de faire avancer l’histoire, peut-être?
Quoi qu’il en soit, L’ombre de Lear est un livre qui donne effectivement envie d’aller s’installer dans un parc. Que ce soit pour y voir Shakespeare, ou simplement pour y lire!
L’ombre de Lear, de Claire Holden Rothman, publié aux Éditions XYZ, 379 pages