Neuf semaines après la « mise en pause » de l’économie du Québec et la fermeture de tous les lieux traditionnels de diffusion culturelle, les artistes en ont assez. Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Culture, Nathalie Roy, plus de 250 d’entre eux réclament des mesures concrètes pour relancer l’industrie culturelle, jugeant que les « demi-annonces » de la semaine dernière sont insuffisantes en ce sens.
Évoquant la « grande discrétion », voire le « silence complet » de Mme Roy depuis le début de la crise, les artistes soulignent que les arts de la scène « n’étaient jamais mentionnés » lors des points de presse des autorités québécoises. « La seule manifestation de soutien concret provient de notre raison même d’exister : le public. Il est là, il nous écrit chaque jour pour savoir quand nos portes ouvriront. Notre lien avec lui n’est pas rompu, et c’est aussi pour ne pas l’abandonner que nous exigeons de notre gouvernement un canal de communication clair, ainsi qu’une rencontre avec le ministère de la Culture », lit-on dans la lettre.
Ce cri du coeur survient après que la ministre Roy eut justement annoncé certaines mesures pour aider le secteur culturel, notamment la réouverture des musées, un processus qui s’étirera sur plusieurs semaines, en fonction des institutions, mais aussi la relance des ciné-parcs. On n’y trouvait cependant rien sur les théâtres, les cinémas intérieurs, ou encore sur les autres lieux de spectacle.
Toujours dans la lettre ouverte, les artistes disent comprendre qu’au début de la crise sanitaire, la santé a pris le dessus sur le reste. « Néanmoins, des années de travail ont été balayées par le souffle mortel de la pandémie : des spectacles en cours, en répétition, en gestation. Nos programmations, qui se bâtissent sur plusieurs années, ont été déchiquetées par la tornade. »
Ainsi, la conférence de presse de vendredi dernier « a été vécue comme un affront », écrivent encore les artistes, qui jugent « ne pas être pris au sérieux par le gouvernement ».
« À quoi bon guérir si nous n’avons plus rien à nous dire? À quoi bon venir à bout de ce fléau si c’est pour se réfugier dans la consommation vidée de sens, de beau? », lancent-ils.
Plus concrètement, outre une rencontre avec la ministre, les signataires réclament une aide financière d’urgence. D’autant plus, disent-ils, que la Prestation canadienne d’urgence n’est pas reconduite au-delà de quatre demandes en ce sens auprès du gouvernement fédéral. Les demandeurs exigent aussi « des mesures de soutien pour les jeunes compagnies qui ne peuvent se prévaloir de la subvention salariale », pourtant la pierre d’assise du gouvernement Trudeau pour favoriser la relance de l’économie, ainsi qu’un calendrier concret de la réouverture des salles de répétition et des salles de spectacle.
« L’art vivant a résisté à tous les épisodes tragiques de l’Histoire, il n’a jamais pu être éradiqué, au fond de la nuit concentrationnaire comme à l’ombre des dictatures, au milieu des ruines de la guerre comme au creux des épidémies les plus dévastatrices. Pas un seul virus sur cette planète, aussi virulent soit-il, n’en viendra à bout », disent ces artistes.
Parmi les signataires de la lettre, on compte les metteurs en scène Olivier Kemeid, Sylvain Bélanger, Martin Fauchier, Brigitte Haentjens et Denis Marleau; l’auteure Fanny Britt; la cinéaste Anaïs Barbeau-Lavalette, ou encore le romancier Michel Tremblay, notamment.