Les bienfaits du verdissement des villes ne sont plus à démontrer: réduction de la température de l’air, de la pollution et du bruit, en plus de promouvoir l’activité physique. Mais la multiplication des arbres risque-t-elle d’être nuisible à certains de ceux qui souffrent d’allergies saisonnières?
Le potentiel allergène des arbres urbains s’avère très mal connu, révèle une récente étude québécoise. Alors que Montréal et bien d’autres villes cherchent à augmenter leurs canopées pour lutter contre les changements climatiques, il importe de mieux comprendre leur contribution aux allergies saisonnière et de diversifier les espèces en conséquence.
« Nous manquons d’informations valables sur l’allergénicité du pollen des arbres urbains. Nous plantons encore trop souvent dans l’ignorance des risques », explique la doctorante au département de sciences biologiques de l’UQAM et au Centre de recherche pour la forêt, Rita Sousa-Silva.
Certaines espèces d’arbres libèrent des grains de pollen au printemps: ainsi, les bouleaux et les aulnes sont déjà connus comme des sources d’allergies. Pourtant, des données manquent sur la concentration de pollen dans l’air et la variabilité entre les espèces voisines.
L’érable de Norvège, l’érable argenté et le frêne de Pennsylvanie, forment le trio d’arbres urbains le plus commun à Montréal: près de 50% des espèces les plus plantées. Il est également courant de planter plus souvent des mâles en ville pour limiter les fruits, alors qu’ils sont les principales sources des allergies saisonnières.
Pour contrer cela, il faudrait donc faire place à plus de diversité dans notre canopée urbaine. « Il importe de planter différentes espèces et de varier les sexes, mais surtout d’avoir une image claire sur les sources d’allergie », insiste la chercheuse.
Il est nécessaire également de multiplier les stations d’échantillonnage du pollen, particulièrement avec les changements climatiques qui risquent d’allonger la saison des allergies, liées à la libération de pollen. « Les arbres fleurissent plus tôt et vont continuer à en produire pendant une plus longue période », convient Rita Sousa-Silva.
Une étude nord-américaine utilise le site « Pollen.com » comme source d’information pour le caractère allergène du pollen. Ce que l’équipe québécoise veut faire pour Montréal, en multipliant les sources d’informations disponibles.
Qui plus est, lorsque certaines espèces sont victimes de maladies, comme l’agrile du frêne, diversifier les plantations peut aider à limiter la propagation.
De l’érable à l’herbe à poux
« Le pollen des arbres peut effectivement provoquer des allergies printanières », confirme le professeur titulaire de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval, Claude Lavoie. Elles restent toutefois marginales à côté des allergies causées par le pollen de l’herbe à poux en août et en septembre, et contrairement à l’herbe à poux, les arbres procurent d’autres bénéfices en milieu urbain, qui dépassent largement les inconvénients ».
Le biologiste spécialiste de la lutte à la petite herbe à poux confirme qu’on « manque de données pour évaluer correctement le caractère allergène des arbres ». Ça nous aiderait « à faire de meilleurs choix dans les plantations ».
Pour lui, le problème est que les candidats «arbres» en ville ne sont pas si nombreux, avec les maladies et les insectes envahissants qui se propagent aux frênes ou aux ormes, entre autres. « Je suis aussi un peu surpris de cette insistance sur l’érable. Les érables sont très nombreux en ville dans le Nord-Est de l’Amérique du Nord, mais c’est bien davantage le fait des plantations d’érables de Norvège —une espèce exotique envahissante qui fleurit tôt au printemps— que d’érables argentés ou de tout autre espèce d’érable ».
Dans certains quartiers, l’érable de Norvège peut représenter de 20 à 70 % des arbres urbains. « De nos jours, on en plante moins pour éviter de se retrouver dans des situations mono-spécifiques désastreuses en cas de nouveau champignon ou de ravageur », note Claude Lavoie.